« 8ème Nuit de la Marionnette » au Théâtre Jean Arp à Clamart – Festival MARTO !, 17ème édition du 10 au 26 mars 2017

Un Article de Paula Gomes

 

Actualité et poésie : créativité marionnettique

 

A l’approche du printemps, le festival de MARionnettes et Théâtre d’Objets : MARTO ! met à l’honneur la manipulation en tout genre et la vivacité de la discipline. Copilotée par neuf théâtres et acteurs culturels des Hauts-de-Seine, sa 17ème édition offre une programmation riche : une quinzaine de spectacles accessibles dès le plus jeune âge, des performances, des ateliers et la très attendue Nuit de la Marionnette. Ce rendez-vous unique en France est incontournable pour les professionnels et les passionnés. Toute une nuit de déambulation dans les recoins du théâtre, de découvertes, d’expériences à partager et pas que… Des artistes reconnus et des compagnies émergentes, le panorama de tout ce qui existe en la matière, des formes les plus traditionnelles, aux plus atypiques et innovantes.

En ouverture, Mécanique (Cie Anima Théâtre) plonge dans l’univers d’Alex, un adolescent ultra-violent qui sème la terreur avec sa bande. Pour se réinsérer, il accepte une cure expérimentale du Dr Bromsky qui promet d’éradiquer ses pulsions violentes en quinze jours. Devenu le symbole de la réussite de la méthode, il en vante les bienfaits à travers le pays. Mais voilà qu’il ne se sent pas bien, le passé refait surface… Librement adaptée du roman « l’Orange mécanique » d’Anthony Burgess, cette création dresse un portrait féroce de la société actuelle où la violence et le virtuel prennent une place grandissante. Les marionnettes (double Alex jeune), ombres et projections avec un pepper’s ghost apportent un charme esthétique et de la magie. Les images multiformes et la voix jouent un rôle majeur dans la mise en scène. L’interprétation de Stéphane Miquel est juste. La scénographie ingénieuse dépeint une société imaginaire : paysage urbain, univers de l’adolescence, films et BDs, médias, ombres et lumières. Une réflexion sur la violence qui attire les jeunes en quête d’identité, le repli sur soi, la manipulation et la liberté.

Palomar (Cie Pensée visible), tiré du roman éponyme d’Italo Calvino rend un vibrant hommage à son écriture sensible. Si Mr Palomar n’a d’existence que par la main de l’auteur et des lecteurs qui font naître son personnage, il surgit magistralement à travers sa vision du monde dans ce théâtre de papier aux dessins sublimes de Alessandra Solimene. Les choses ordinaires ou ignorées deviennent exceptionnelles en changeant les points d’observation tel le « sein nu » à la plage que le regard évite habituellement, le gorille albinos si humain dans son isolement et sa sensibilité, l’univers comme miroir avec une profusion d ‘éléments. Les intermèdes de Raquel Siva et la voix-off cassent un peu le rythme tant ce voyage nous transporte. Des personnages attachants, de belles envolées lyriques et de l’émotion, une ouverture autres et un monde à redécouvrir.

© Pensée Visible

Le théâtre d’objet, né dans et contre l’invasion d’objets de la société de consommation prend tout son sens dans les deux créations suivantes. Par leur dimension, les comédiens s’imposent face aux objets mais aussi par le pouvoir que leur personnage exerce. Le Pique-nique de la Compagnie bruxelloise Karyatides d’après l’oeuvre de François Rabelais, met en scène deux géants dans un repas champêtre orgiaque. La reine insatiable dévore tout ce qui est à sa portée. Même les moutons qui paissent sur son ventre rebondi, devenu un flanc de montagne, sont engloutis comme les pélerins et une ribambelle d’objets du récit. Un heureux événement arrive mais les souverains ne le soupçonnent pas. Manipulations et jeux de mots truculents, des créatures semblant sortir de tableaux de Brueghel ou d’Arcimboldo. Un moment hilarant entre poésie et trivialité. Tire-toi de mon herbe Bambi ! (Cie La Cour Singulière) évoque la domination de l’homme sur la nature à travers un couple qui s’installe en pleine forêt. Leur environnement devient pour eux un enfer, les animaux des nuisibles. Ils s’imposent et poussent la démesure jusqu’à construire une gigantesque forteresse entourée de barbelés. Les objets envahissent l’espace scénique et la végétation et les cervidés disparaissent, scellant inexorablement le sort de Bambi. Humour noir et poésie, une proposition intéressante qui mérite quelques ajustements.

Prenez votre ticket pour le Guichet des Anonymes (Cie du Roi Zizo) et laissez vous guider à travers les méandres de l’administration par un bureaucrate maladroit, sous les traits de Gildwen Perrono. Derrière les dossiers, ce ne sont plus des pions qu’il découvre au fond des tiroirs mais des êtres en quête d’un avenir meilleur, les tiroirs symbolisant des parties du monde. Cette «petite forme» dresse un portrait satirique de l’état du monde et aborde des faits tragiques : la migration clandestine, les conflits en Syrie et aussi les trafics et paradis fiscaux. Les tiroirs sont à l’échelle du migrant, de la marionnette, et ouvrent sur des petites scènes qui permettent de retracer différentes étapes de la migration, du pays d’origine jusqu’à l’obtention d’un droit d’asile ou de séjour. Une scénographie impeccable, le jeu rythmé et généreux manque un peu de finesse pour savourer pleinement la magie. Images fortes et poétiques du parcours de ce petit homme qui se hisse sur les toits du monde pour rêver à un avenir meilleur, le destin au bout du fameux tampon !

Le thème de l’identité est abordé dans : Le Creux du Corps (Cie DDDcie), une performance étonnante de Marguerite Danguy des Déserts dont les carapaces, sculptures-costumes imposantes sont découvertes, manipulées par les danseurs. Comme si quelqu’un les avait abandonnées en laissant l’empreinte de son geste dans le volume du vêtement, les sauveteurs font surgir le corps absent avec ici et là une main, un bras, une chevelure… Mais ces créatures ont des pouvoirs mystérieux et se rebiffent. De beaux tableaux oniriques soulignés par les lumières et la bande son. Les géométries du dialogue (Compagnie Jusco Mama) présente deux êtres avec des boîtes noires en guise de tête. Les comédiennes créent des dessins sonores au gré de leur envie, tel un kaléidoscope avec les différentes facettes de leur identité. Des gestes précis et des visages expressifs, un face à face silencieux plein de poésie. Ces figures représentent les masques sociaux que certains peuvent prendre, emportés par leur égo absurde. Réflexion sur le pouvoir du langage non verbal et l’impact des nouvelles technologies sur notre identité et le rapport à l’image de soi et des autres.

Au bar, le Jukebox marionnettique (Compagnie 36 du mois), petit théâtre autonome en bois aux multiples fenêtres, accueille un pianiste articulé, à barbichette et lorgnons, animé comme un véritable interprète par des moteurs. Une boîte à musique fascinante en hommage à l’œuvre d’Erik Satie. Rencontre entre le classique et le high tech avec aussi un orchestre miniature, des créations de l’artiste Emmanuel Audibert. Un temps suspendu et de la magie avec ces cyber mécanismes poétiques. Et pour immortaliser ses souvenirs de théâtre, Simon Delattre propose le pictomaton. Derrière un petit théâtre vitré, les plus hardis viendront raconter leur histoire tout en la dessinant à l’aide d’un pinceau.

Karaoké Lulu Knet – Cie Fait Maison

Pour finir la nuit en beauté, Karaoké Lulu Knet (Cie Fait Maison) invite le public sur scène pour un karaoké géant mené par des marionnettes de type muppet. Seul ou entre amis, équipé d’un micro, donner vie à la marionnette choisie en chantant son tube favori est une expérience jouissive à tout âge. Pour explorer la diversité des techniques d’animation, les Cours métrages marionnettiques proposent un voyage fantastique de l’infiniment petit vers l’infiniment grand. Les sens sont bousculés, toute impression de puissance reste relative et les apparences sont souvent trompeuses. Une édition forte par sa créativité et ses propositions avec des artistes talentueux et engagés au service d’un art protéiforme toujours en mouvement, capable d’émouvoir et de surprendre.


 

8ème Nuit de la Marionnette 

Le samedi 11 mars 2017

De 20h à l’aube

 

Dans le cadre du Festival MARTO ! 17ème édition

 

Du 10 au 26 mars 2017

 

Théâtre Jean Arp
22, rue Paul Vaillant-Couturier
92140 Clamart

http://theatrejeanarp.com/

Avec :

Mécanique (création) – Cie Anima Théâtre

Librement inspiré de l’Orange Mécanique d’Anthony Burgess

théâtre de projections et d’ombres | 55 mn

Metteur en scène – concepteur Georgios Karakantzas Auteur Catherine Verlaguet Comédien – marionnettiste Stéphane Miquel Marionnettiste Hugues Cristianini

 

Le Pique-nique (création) – Cie Karyatides

D’après François Rabelais

théâtre d’objets | 25 mn

Mise en scène Karine Birgé

Jeu Marie Delhaye et Cyril Briant

 

Palomar – Cie Pensée visible

D’après Italo Calvino

théâtre de papier | 60 mn

Mise en scène Raquel Silva

Interprétation, manipulation et construction Alessandra Solimene et Raquel Silva Dessins et scénographie Alessandra Solimene Musique et dessin du son Daniela Cattivelli Construction du théâtre Alek Favaretto

 

Le Creux du Corps – Cie DDDcie

danse, sculptures manipulées | 45 mn

Plasticienne, chorégraphe Marguerite Danguy des Déserts

Danseuses Linda-Kris Mulot, Maëva Lamolière, Anne Guillemin

Compositeur et musicien Patrick Briand

Lumières Patrice Le Cadre

 

Tire-toi de mon herbe Bambi ! (création) – Cie La Cour Singulière

théâtre d’objets et marionnettes sur table | 30 mn

Mise en scène et interprétation Olivier Lehmann et Hélène Rosset

Squid Performance – Cie Pseudonymo

marionnette portée, théâtre | 20 mn

Conception et mise en scène David Girondin Moab

Dramaturgie Antoine Herniotte

Collaboration artistique Angélique Friant

Interprétation Quentin Gibelin / En alternance Valentina De Mattia, Flora Detraz, Alice Masson

 

Les Géométries du dialogue-forme 02 (création) – Cie Jusco MAMA

théâtre, masque, dessin | 25 mn

Auteurs, Metteurs en scène et Interprètes Justine Macadoux et Coralie Maniez

Guichet des anonymes – Cie du Roi Zizo

marionnettes et objets | 25mn

Conception et interprétation Gildwen Perrono

 

Lady Chatterley (création) – Cie La Magouille

D’après le roman de D.H. Lawrence

marionnette de doigts, | 20 mn

Manipulation et jeu Cécile Lemaître

 

Blanche Aurore Céleste – Cie La Niña

spectacle pour une marionnette de comptoir et son chien | 40 mn

Texte de Noëlle Renaude

Mise en scène, conception et jeu Kamille Chante /

Direction d’acteur Christophe Guétat

 

Autant en emporte le vent – Cie La Magouille

D’après le roman éponyme de Margaret Mitchell et le film de Victor Fleming

marionnettes et objet | durée 35 mn

Manipulation et jeu Angèle Gilliard

 

Karaoké Lulu Knet – Cie Fait Maison

Conception Lucie Hanoy

Avec Lucie Hanoy, Lucas Prieux

Construction des marionnettes Lucie Hanoy, Lucas Prieux

 

Rio-Paris – Cie Zusvex

théâtre et objets

Mise en scène et jeu Yoann Pencolé, Pierre Tual

 

Et aussi :

Jukebox marionnettique – Cie 36 du mois

théâtre d’objet musical | en accès libre toute la nuit

Création, programmation et manipulation Emmanuel Audibert

 

Le pictomaton – Simon Delattre

Conception Simon Delattre, collaboration Yoann Bélingard, avec la participation du public

Cours métrages marionnettiques en accès libre toute la nuit