« Roberto Zucco » , Bernard-Marie Koltès, mise en scène de Richard Brunel, Théâtre Gérard Philippe, Saint-Denis

Article de Pierre-Alexandre Culo

Quand le loup se transforme en chaton

Emblème littéraire de monstruosité et de fascination, la dernière pièce de Bernard-Marie Koltès est victime des sommets qu’elle atteint. Afin d’atteindre la beauté solaire de ce meurtrier en cavale, sa mise en scène en devient un véritable défi. Dans sa tentative, Richard Brunel se brûle les ailes avec une version fade, doucereuse et confortable.

zucco_jean_louis_fernandez_1© Jean-Louis Fernandez

Ambiance sombre et romantique d’un dédale métallique et ingénieux de passerelles et panneaux d’acier, l’espace mouvant suit la fuite effrénée de Roberto Zucco dans le petit Chicago. Rencontres multiples qui le font exister, chaque épisode révèle la solitude et la nécessité pour ce colosse de muscle de devenir invisible. Figure centrale qui s’efface pour laisser la place aux impacts fascinants et aliénants de sa simple rencontre sur tous les êtres qui le croiseront sur son chemin. Fait divers et personnage médiatique, Bernard-Marie Koltès a transformé Roberto Zucco, fuyant et narguant les foules du toit de sa prison, en un symbole de liberté. Roberto Zucco est né.

zucco_jean_louis_fernandez_2© Jean-Louis Fernandez

« Par le haut. Il ne faut pas chercher à traverser les murs, parce que, au-delà des murs, il y a d’autres murs, il y a toujours la prison. Il faut s’échapper par les toits, vers le soleil. On ne mettra jamais un mur entre le soleil et la terre. » Pio Marmaï propose un Zucco aux comportements infantiles et immatures qui séduisent dans l’idée mais ne trouvent pas d’intérêts solides dans sa réalisation. L’impressionnante masse physique de l’acteur de cinéma ne suffit pas à nourrir l’effroi excitant de la figure de Zucco. Le contraste entre son physique brutal et les intentions doucereuses de la direction d’acteur manque pourtant de sincérité. L’énergie profonde et terrestre de son besoin d’exister peine à jaillir et ne souligne que les brefs contours d’un projet avorté. A l’image de l’ensemble de sa mise en scène, Richard Brunel dévoile une vision essoufflée et simpliste dans un écrin scénographique trop imposant pour les comédiens qui l’animent.

Roberto Zucco
de Bernard-Marie Koltès
mise en scène de Richard Brunel
avec Axel Bogousslavsky, Noémie Develay-Ressiguier, Évelyne Didi, Nicolas Hénault, Valérie Larroque, Pio Marmaï, Babacar M’Baye Fall, Laurent Meininger, Luce Mouchel, Tibor Ockenfels, Lamya Regragui, Christian Scelles, Samira Sedira, Thibault Vinçon
dramaturgie Catherine Ailloud-Nicolas
scénographie Anouk Dell’Aiera
lumières Laurent Castaingt
costumes Benjamin Moreau
son Michaël Selam
coaching vocal Myriam Djemour
conseil accrobatie Thomas Sénécaille
coiffures et maquillages Christelle Paillard
assistante à la mise en scène Louise Vignaud
Le texte est édité aux Éditions de Minuit.

Du 29 janvier au 20 février 2016

Théâtre Gérard-Philippe
59, boulevard Jules-Guesde
93 2000 Saint-Denis
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