« Queue de poissonne » d’après « La Petite Sirène » d’Andersen, mise en scène Ilka Schönbein, Théâtre du Grand Parquet / Théâtre de la ville

Article de Pierre-Alexandre Culo

Immersion en eaux troubles

Se rendre à une pièce d’Ilka Schönbein, c’est se plonger dans un univers et une poésie qui n’appartient à aucun autre. Après Faim de Loup directement inspiré de ce fameux Petit Chaperon Rouge, Ilka Schönbein et Laurie Cannac s’attaquent à un autre monument du conte pour enfant : La Petite Sirène. Qui ne connaîtrait pas l’aventure tragique de cette jeune fille prête à abandonner son identité dans l’espoir de se faire aimer en retour par le Prince ? Histoire tragique puisque Queue de poissonne n’édulcore en rien l’issue fatale conçue par Andersen. Une fois son prince sauvé, la jeune fille décide d’en appeler à la sorcière des mers – ici un crabe menaçant – afin de pouvoir mutiler sa queue de poissonne en deux morceaux de jambes humaines. Ne s’étant pas faite aimée en retour, elle doit planter un couteau dans le cœur du prince pour retrouver sa forme originelle. La jeune fille ne peut alors se résoudre à ce choix et se transforme à jamais en écume.

queue-de-poissonne-Benoit_Fortyre_Marinette_Delanné_1© Benoit Fortyre / Marinette Delanné

La métamorphose est une fois de plus au cœur de cette création. De la barque en osier présente sur la scène, tous les corps et formes vont y émerger. Laurie Cannac manipule avec magie ces prothèses, amalgame de chair et de plâtre, et nous entraîne avec elle dans un monde d’illusion et de rêve. Seule en scène, elle se démultiplie en plusieurs personnages et métamorphose sa silhouette à l’infini. Un songe aux limites du cauchemar grâce à des scènes visuellement prenantes, le texte est délibérément réduit afin que l’imaginaire puisse agir pleinement. Les deux artistes offrent une nouvelle fois un spectacle jeune public de très grande qualité, conçu à la fois pour l’émerveillement des enfants et le plaisir des parents.

queue-de-poissonne_Benoit-Fortyre_Marinette_Delanné_2© Benoit Fortyre / Marinette Delanné

Ilka Schönbein fait émerger le symbolisme de cette figure féminine, de ce conte initiatique, sans didactisme mais avec une poésie et une douceur inquiétante qui font toute la justesse de ses spectacles.

Queue de poissonne
Mise en scène lka Schönbein
Manipulation & jeu Laurie Cannac
Marionnettes Ilka Schönbein, Laurie Cannac
Lumière Sébastien Choriol
Son François Olivier
Musique Alexandra Lupidi
Assistant à la mise en scène Britta Arste
Avec la participation de Romuald Collinet & Jo Smith
Du 6 au 23 octobre 2015

Théâtre du Grand-Parquet
35 rue d’Aubervilliers
75018 Paris

http://www.theatredelaville-paris.com