« AB[INTRA] » ou la forme la plus pure d’art pour l’art

Ab[intra] par la Sydney Dance Company / Rafael Bonachela © Pedro Greig

C’est une véritable et grande exploration artistique soutenue par une compagnie majestueuse que Rafael Bonachela chorégraphie avec des intentions quasiment philosophiques. Le nom de la pièce Ab[intra] qui signifie « de l’intérieur » en latin symbolise la volonté de faire surgir une danse qui serait intériorisée par les danseurs et le chorégraphe, de s’affranchir d’une réflexion qui pourrait paralyser les gestes et l’esprit.

C’est à travers les décors que le spectateur sera le plus vite confronté à la démarche de pureté puisque la scène est complètement nue. Elle n’est habillée que de lumières qui a une importance primordiale. Tantôt morcelant l’espace et créant des cadres sur scène avec lesquels les danseurs vont interagir en les respectant ou en les transgressant. Tantôt créant un espace éclairé limité ce qui forme un lieu interne et externe.

La musique n’est pas particulièrement marquante, elle laisse une sensation de réellement s’accorder voire coller à la danse. Sans pour autant qu’elle n’agisse sur la qualité ou sur le rythme.

Mais c’est véritablement à travers les corps que toute l’énergie circule. Les interprètes sont à l’unisson dans leur intention. Les mouvements sont grands, partent vers le dehors de la scène et fuient les limites imposées par la chair. Ce qui mène les interprètes eux-mêmes à tendre vers l’extérieur.

C’est bien là que l’on retrouve l’idée que Rafael Bonachela veut atteindre avec cette œuvre. D’après ses propres dires, il cherche à trouver l’instinct intériorisé par le danseur mais aussi par le chorégraphe et surtout ce rapport entre l’intérieur et l’extérieur. Rapport qui est variable et difficile à saisir.

La première partie contient seulement deux interprètes très intéressants à voir. Le duo s’entremêle et use beaucoup l’un de l’autre sans pour autant qu’on ait l’impression d’une complicité enfermée. Au contraire, ils semblent vraiment tendre encore plus loin à l’aide de l’autre, chacun sert à accentuer la grandeur des mouvements. On retrouve cette sensation notamment dans les très nombreux portés. C’est donc malgré la méthode qui semble très personnelle, interne et donc peu propice à une vraie coopération que se déploie une grandeur tout autre.

La démarche très forte de l’art pour l’art, ou ici, de la recherche du réflexe dans le corps de professionnels est indubitablement intéressante. Seulement il est certain qu’ainsi le spectacle se ferme entièrement à un public non-initié, ce qui est un choix.

De plus, il est difficile de rester accroché à autant de minimalisme et ce pendant environ une heure dix. Bref, c’était splendide et techniquement irréprochable mais afin de l’apprécier à sa juste valeur, il faut être bien réveillé, ouvert, attentif et avoir déjà une connaissance de la danse suffisante pour pouvoir en observer sa physicalité et comprendre les enjeux de ce qui se passe à l’intérieur de la scène.

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Ab[intra] par la Sydney Dance Company / Rafael Bonachela © Pedro Greig

Informations pratiques

AB[INTRA]

Chorégraphe
Rafael Bonachela

Composition
Nick Wales (composition originale de Nick Wales avec des passages de Klātbūtne (« Presence ») de Pēteris Vasks)

Avec
Natalie Allen, Davide Di Giovanni, Dean Elliott, Jackson Fisch, Jacopo Grabar, Liam Green, Luke Hayward, Morgan Hurrell, Sophie Jones, Dimitri Kleioris, Rhys Kosakowski, Chloe Leong, Jesse Scales, Emily Seymour, Mia Thompson, Coco Wood, Chloe Young

Lumières Damien Cooper
Costumes et Scénographie David Fleischer

Dates
Du 23 mars au 1er avril 2022 au Théâtre Chaillot, Paris

Durée
1h10

Adresse
Théâtre Chaillot
1, place du Trocadéro
75116 Paris

Informations complémentaires

Théâtre Chaillot
theatre-chaillot.fr