« Anquetil tout seul » de Paul Fournel, mise en scène de Roland Guenoun au Studio Hébertot

Article de Justine Uro

Dans la roue d’Anquetil

Sur un vélo au centre de la scène, Matila Malliarakis campe Jacques Anquetil et dépeint l’intensité d’une vie à l’ascendance fulgurante, domptée par la vitesse. Alors qu’il n’est pas encore professionnel, Jacques Anquetil gagne sa première grande course à 23 ans, en 1957. Les victoires s’enchaînent, il remporte cinq tours de France. L’exploit sportif est impressionnant, la première place sur le podium n’est jamais cédée. Malgré cela, Jacques Anquetil n’a pas l’étoffe d’un champion. Le vélo est, pour lui, un métier plus qu’une passion, sa soif d’argent l’emporte sur le prestige des victoires, sa timidité l’éloigne des foules mais ne l’empêchera pas d’être le premier à avouer publiquement l’usage de produits dopants, et sa vie personnelle est trop scandaleuse pour faire rêver. À la fois mal aimé par le public et coureur éblouissant, Jacques Anquetil est un des sportifs français les plus énigmatiques.

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© Léonard

Cette dualité est racontée par Janine, son épouse, interprétée par Clémentine Lebocey, et par les figures emblématiques du cyclisme d’alors, toutes interprétées par Stéphane Olivié Bisson : ses concurrents, dont le plus fameux et populaire Raymond Poulidour, et son directeur sportif, Raphaël Geminiani. Mais aussi par Paul Fournel, qu’interprète également Stéphane Olivié Bisson, narrateur qui se remémore son admiration d’enfant et d’adolescent pour le coureur, et dont le livre a inspiré la pièce. Autour d’Anquetil, deux types de discours interagissent : la narration et le dialogue.

La vidéo, projetée sur des panneaux disposés en fond de scène et de chaque côté d’Anquetil, offre encore une autre porte d’entrée dans sa vie. Des documents d’époque, reportages pour la télévision et interviews auxquelles prend part le personnage sur scène, renforcent l’aspect documentaire de la pièce. Dans l’optique de refléter l’atmosphère de la vie d’Anquetil au plus près de la réalité, le comédien Matila Malliarakis transmet la souffrance et l’effort d’une épreuve de vélo, soutenu par des vidéos de bords de route défilant à grande vitesse qui rendent compte de la rapidité de la course. Le spectateur est entraîné dans l’histoire de cette vie tout en assistant à une représentation documentaire. La corrélation de ces deux aspects est une vraie réussite.

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© Léonard

Cette plongée dans les souvenirs d’un passionné et dans les archives de la presse, de la télévision et du cyclisme, redonne vie à des personnalités qui ont marqué leur époque et le monde sportif. Le rythme soutenu et la pression de plus de deux cents courses par an, la solitude du vainqueur, la frénésie de profiter d’une vie qu’il présage courte, brossent ce portrait de Jacques Anquetil. À cela s’ajoute la transgression dans sa vie professionnelle et personnelle. Pour cet homme qui semble obtenir tout ce qu’il désire, la souffrance provient du désamour du public qu’il ne parviendra pas à vaincre pleinement.

 

 

 

Anquetil tout seul

Texte Paul Fournel

Mise en scène Roland Guenoun

Avec Matila Malliarakis, Clémentine Lebocey, Stéphane Olivié Bisson

Scénographie Marc Thiebault

Vidéo Léonard

Musique Nicolas Jorelle

Lumières Laurent Béal

Son Yoann Perez

Costumes Lucile Gardie

 

Du 6 septembre au 13 novembre 2016

 

Studio Hébertot

78 bis boulevard des Batignolles

75017 Paris

http://www.studiohebertot.com/