"[Avignon OFF] ICI-BAS" La matière presque vive

Pépé, en vieillissant, est devenu un peu réactionnaire. Mémé, elle, aime toujours autant la vie. Ils n’ont pas eu d’enfant, mais leur rencontre avec une petite fille, Nawel, migrante venue d’Alep à la recherche de ses parents, va secouer leur quotidien et, peut-être, sortir pépé de son amertume.

Dans un non-espace constitué de matériaux bruts, de bric et de broc poussiéreux, deux personnages asexués jouent tour à tour les narrateurs et les protagonistes. La scénographie est un fouillis créatif où les personnages naissent d’un bout de papier d’aluminium, où les histoires se racontent avec presque rien, s’illustrent par l’imaginaire avec une poignée de terre ou de sable, un porte-clefs, un aimant. On croirait une sorte de laboratoire créatif pour enfant, où la matière doit prendre vie. Le système narratif, lui aussi très original avec ces deux comédiennes qui changent sans cesse de rôle, parvient à rester limpide tout au long du spectacle, mais crée une importante distanciation qui rompt un peu l’émotion qu’un tel sujet pourrait entraîner. Perrine Fovez et Céline Dely semblent réellement émues par cette histoire et occupent le plateau par leur présence très marquée, mais cela ne suffit pas. Bien qu’il faille saluer l’initiative de leurs choix de représentation atypiques, quelque chose ne prend pas, malgré toute l’énergie déployée ; l’ensemble manque parfois de rythme et laisse voir quelques longueurs. Pourtant, le récit est très fin, ne se noie jamais dans le pathos ni ne sombre dans le cliché, au contraire : il reste beau, tendre et plein d’espoir. Abordant une thématique complexe avec humanité et délicatesse, il saurait parler à un public même très jeune, si l’on se sentait plus happé, plus habité, sans doute, par ce qui advient au plateau.

Un sentiment en demi-teinte, donc, pour un spectacle qui nous laisse un peu sur notre faim malgré une grande créativité, une investissement total des deux comédiennes et une matière première captivante.

Informations pratiques

Auteur(s)
Bruno Lajara