[Avignon OFF] « L’Avare », de Molière, mise en scène de Caroline Pallarès sur la péniche du Lapin Vert

Article d’Ondine Bérenger

La maison hantée d’Harpagon

Partie de Joinville-le-pont il y a deux mois pour rejoindre Avignon, la péniche du Lapin Vert a finalement accosté au pied du pont Daladier pour nous présenter une version sombre et glaçante de la pièce de Molière.

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Sorte de couloir en perspective, le décor d’un intérieur décrépi au sol poussiéreux en damier produit immédiatement une sensation d’enfermement et d’étouffement. Les portes et fenêtres claquent au bruit du vent, de la pluie tombe, au loin, on aperçoit, en projection, le jardin orné d’un arbre mort près duquel Harpagon enterre son trésor. On se croirait dans une maison hantée à la Murnau. Les personnages eux aussi sont dignes d’un film : costumes désuets usant de tissus écossais et de laines épaisses, physionomie caractéristique, il y a dans cette esthétique de mise en scène quelque chose qui séduit et effraie en même temps.

Les jeunes gens sont représentés dans toute la détresse de leur éducation prostrée, ils sont méfiants, craintifs, tout se dit à voix basse tandis qu’ils apprennent à se libérer du joug de leur père pour se fabriquer des ailes. Leur jeu est assez emprunté, mais néanmoins convaincant. Quant à Harpagon, il est ici bien loin d’un personnage ridicule de comédie : sec, froid, antipathique, il semble que l’orage va tonner quand il s’approche, présence vampirique et presque démoniaque, systématiquement glaçante. Le parti pris est puissant et très captivant par son originalité et l’esthétique mise en œuvre tout au long de la représentation. Les quatre comédiens parviennent à eux seuls à interpréter tous les rôles de la pièce, usant et abusant de sorties fiévreuses par les multiples portes de la scène pour se changer en un clin d’oeil. Le travail accompli est énorme et digne d’être salué.

Pourtant, quelque chose ici ne prend pas. Est-ce l’effet de cet espace extrêmement réduit où sont contraints de jouer les comédiens, ou bien cet esprit cinématographique qui crée un décalage sur la scène, ou encore les voix rauques peut-être trop évidemment travaillées des personnages qui empêchent l’adhésion pleine et entière du spectateur ? On ne sait, mais il y manque tout juste un soupçon de vie.

 

 

 

 

 

L’Avare

de Molière

mise en scène Caroline Pallarès

avec Axel Beaumont, Gilles Blumenfeld, Julie Desmet, Caroline Pallarès

Lumière Jérôme Chaffardon

Costumes Marie Verhnes

Accessoires Edwige Latrille

Décors Alain Cordonnier

Constuction Grégory Burgalat

 

du 7 au 30 juillet 2016

 

La Péniche Le Lapin Vert

au pied du pont Daladier

sur l’île de la Barthelasse côté Avignon

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