« Belle d’hier », conception et mise en scène de Phia Ménard, Compagnie Non Vova au Théâtre de la Ville

Article de Pierre-Alexandre Culo

Un conte entre deux-eaux

Artiste de la transformation, du corps à la matière, Phia Ménard propose une création intime et révoltée sur une société polluée par les mythes patriarcaux, ayant pour cible directe la figure immuable et dominatrice du prince charmant. A travers une proposition complexe et convenue, l’artiste tente d’offrir un conte féministe qui laisse pourtant apparaître une vision hystérique et machiste d’une féminité en ébullition.

belle-hier_C_Jean-Luc Beaujault_1© Jean-Luc Beaujault

Figées au sein d’une chambre froide, les figures masculines -amas de tissus sombres et inquiétants- vont être décomposées, dépecées, piétinées, essorées aux mains de cinq lavandières déchaînées. Les lambeaux de tissus circulent de mains en mains, plongés dans l’eau avant d’être frappés et étendus aux yeux de tous. Un voyage furieux. Combat effréné de princesses intemporelles refusant de se complaire dans la soumission et l’impuissance que les mythes confèrent à la féminité.

Au sein de tableaux trop distendus, Phia Ménard plonge le spectateur au sein d’un univers aquatique où la glace se métamorphose en eaux déchaînées et tourbillonnantes, finissant par le perdre en chemin. Les femmes laissent tomber leurs robes enfantines pour une nudité prévisible, fuyant dans un simulacre de caverne, vers leur état primitif. Entre fureur et rire, l’image de la femme nous apparaît comme instable, imprévisible et soumise à ses émotions. Cette même vision qui nourrit les discours et théories machistes contre lesquelles devrait lutter un conte dit féministe.

belle_hier_jean-luc_beaujault_2© Jean-Luc Beaujault

Belle d’hier se situe à une frontière fragile entre danse, performance et installation plastique. Cette indétermination constante contribue au manque de cohésion de l’ensemble et à l’instauration d’une distance prolongée entre le spectateur et la scène. Il est à regretter que le travail sonore d’Ivan Russel, d’une belle intensité organique, n’ait pas trouvé la communion nécessaire avec les interprètes pour l’émergence d’une unité scénique.

N’est retenu que la sensation d’un long et puissant cri qui ne trouve pas d’accroche.

Belle d’hier

idée originale et scénographie Phia Ménard
dramaturgie et mise en scène Phia Ménard et Jean-Luc Beaujault
création et interprétation
Isabelle Bats, Cécile Cozzolino ,Géraldine Pochon, Marlne Rostaing , Jeanne Vallauri
compositon sonore Ivan Roussel
création lumière et régie lumière Alice Rüest
création robes et costumes congelés Fabrice-Ilia Leroy
du 3 au 9 octobre 2015

Théâtre de la ville
2 place du Châtelet
75004 Paris
http://www.theatredelaville-paris.com