« Où les cœurs s’éprennent », d’après Eric Rohmer, mise en scène Thomas Quillardet au Théâtre de la Bastille.

Un article d’Ondine Bérenger.

 

La légèreté des sentiments

 

Louise vit en couple, mais désire s’isoler de temps en temps, et va chercher ailleurs l’équilibre qui lui manque. Delphine, elle, est célibataire. Confrontée sans cesse au regard pesant des autres et à sa propre solitude, elle tente de trouver son idéal amoureux. Dans cette création, Thomas Quillardet reprend les scénarios des films Les Nuits de la pleine lune et Le Rayon vert, d’Eric Rohmer, pour en proposer un diptyque théâtral sur l’amour et la solitude.

© Piere Grobois

S’il est une chose que l’on retiendra de cette mise en scène, c’est assurément l’originalité de sa scénographie. En effet, les personnages évoluent sur une vaste feuille blanche courbée dans laquelle ils piochent tous les accesoires nécessaires, modifiant ainsi l’espace au fil de la représentation, se l’appropriant pleinement, non sans un certain humour décalé. La scène devient alors terrain de jeu en constante mutation, un décor sans décor, à la fois nulle part et partout – c’est-à-dire sûrement ailleurs. A cela s’ajoutent les petits train et voiture électriques qui représentent, là encore avec un certain décalage humoristique, les déplacements des personnages restés immobiles au plateau.

Par ailleurs, si la simplicité de l’écriture de Rohmer ressort bien dans cette représentation, peut-être est-elle un peu trop poussée. En effet, bien que la légèreté dont semble faire preuve cette œuvre soit agréable au premier abord, elle tend à devenir excessive, et par là même assez réductrice puisqu’elle gomme ainsi l’intensité des émotions des personnages, à tel point que la sensibilité de ces derniers frôle parfois le stéréotype. On aurait apprécié une lecture plus fouillée et plus aboutie pour contrebalancer la désinvolture (plaisante) de la scénographie. Ceci est particulièrement vrai dans la première partie, dont la situation est plus complexe qu’elle ne le paraît, et où les comédiens ne parviennent pas à nous faire oublier le film, malgré l’indéniable charisme d’Anne-Laure Tondu (Louise), au centre du récit. La deuxième partie, quant à elle, est bien plus riche en découvertes et moins déséquilibrée. Marie Rémond est touchante en Delphine, et les personnages qui l’entourent ont une réelle substance, une présence plus forte aussi, plus originale, appuyée par une distribution inattendue qui renverse les codes. On ne peut pas ne pas mentionner l’exceptionnel Guillaume Laloux, hilarant dans le rôle de Léna !

En définitive, c’est un travail rafraîchissant et divertissant que nous proposent ici Thomas Quillardet et son équipe, mais il est dommage que le propos ne parvienne pas à sortir de cette seule fonction. Avec une telle inventivité dans la représentation, il aurait pu avoir une portée plus touchante, plus intime, plus précise et aboutie, à n’en pas douter.

© Piere Grobois


 

Où les cœurs s’éprennent

D’après Les Nuits de la pleine lune et Le Rayon vert, d’Eric Rohmer

Mise en scène Thomas Quillardet

Adaptation collective pour La Nuit de la pleine lune

Adaptation pour Le Rayon vert Marie Rémond et Thomas Quillardet

Avec Benoît Carré Florent Cheippe Guillaume Laloux Malvina Plégat Marie Rémond Anne-Laure Tondu Jean-Baptiste Tur

Lumière Nadja Naira

Scénographie James Brandily assisté de Long Ha et de Fanny Benguigui

Costumes Frédéric Gigout

Régie générale Camille Jamin

 

Du 6 au 19 janvier 2017

 

Au Théâtre de la Bastille

76 rue de la Roquette

75011 Paris
 

http://www.theatre-bastille.com