« Dérivée », de et par LAPS/équipe du matin, à l’Institut Henri Poincaré.

Un article d’Ondine Bérenger.


L’équation des préjugés.

Créé par la compagnie LAPS/équipe du matin en 2010, Dérivée est un spectacle de théâtre-forum essentiellement destiné aux collégiennes et lycéennes, évoquant notamment les préjugés subis par les jeunes femmes se destinant à une carrière scientifique.
C’est à travers la perception d’Alice, élève en terminale S passionnée par les mathématiques, que nous sommes plongés au coeur des doutes existentiels d’une adolescente que les préjugés sexistes influencent malgré elle. Avec un humour décapant à l’efficacité redoutable, la petite troupe de quatre comédiens, armée seulement de quelques accessoires, nous donne à voir un condensé de situations de la vie quotidienne où les stéréotypes et la discrimination sont présents, parfois insidieusement.

Des réflexions sur une tenue de « garçon manqué » aux étalages de plaisanteries machistes, des énoncés d’exercices sexistes aux préjugés sur l’orientation, en passant par les différences nutritionnelles et les injustices au travail, les thèmes abordés sont tristement nombreux. Tous ces mots, ces gestes, ces actes habituels ainsi illustrés, sous couvert de « normalité », révèlent alors un monde d’une violence inouïe. On se croirait presque dans un un univers giralducien: on rit beaucoup, mais avec amertume, et le récit, malgré son apparente légèreté, a des airs de tragédie. Mais fort heureusement, ici, point de fatalisme : la représentation ne s’arrête pas à ces constats désabusés.

En effet, après cette première partie d’une quarantaine de minute, le débat s’ouvre avec l’auditoire. Ici, dans l’amphithéâtre de l’institut Henri Poincaré, les jeunes filles jouent le jeu. Qui est responsable de quoi ? Quelles sont les situations anormales ? Comment les vivre, comment y répondre ?
Cette réflexion conduit enfin à la dernière partie de ce spectacle-forum: l’improvisation. « Quand une équation n’a pas de solution dans le réel, il faut inventer un nouvel ensemble ». Le pouvoir est donné aux demoiselles du public pour remplacer, quand elles le souhaitent, n’importe quel personnage. La première tendance serait naturellement de modifier les travers de la société autour d’Alice. Mais puisque dans la vie on ne peut changer les autres, le plateau devient également un espace d’expérimentation personnel: comment réagir face aux préjugés, aux discriminations, à cette violence permanente à l’encontre des femmes, particulièrement scientifiques, qui plus est à ce moment troublé de l’adolescence où les relations sont à fleur de peau, et où le futur doit se jouer ? Sans apporter de réponse à cette équation, LAPS/équipe du matin permet à ses spectateurs de chercher des issues possibles. 

Le succès est total. C’est avec de nombreux éclats de rire et une bonne humeur inébranlable que, sur cette scène improvisée dans l’amphithéâtre, on renverse les clichés, combat les injustices, réforme la fiction, pour finalement apprendre à changer la réalité. Cet espace de représentation et de réflexion mériterait d’être proposé à tous les scolaires tant la formule en est brillante et libératrice. 
Accrochez-vous, car si l’on en croit ce qui est advenu dans cet amphithéâtre, les femmes de demain feront des étincelles, en sciences comme ailleurs.

 

Dérivée

de Cyril Vernet et Emilie Lambert
mise en scène Emilie Lambert
Avec Ayouba Ali, Muriel Gaudin, Marie Mosser et Elise Pradinas.

Tournée, informations et contact : www.lapsequipedumatin.com