« Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée », texte d’Alfred de Musset, mise en scène par Laurent Delvert, au Studio-Théâtre – la Comédie-Française

Un article de Thibault David

Combat de boxe verbale en un round

 

Proverbe  (genre théâtral) : petite comédie développant et illustrant un proverbe (et oui). Le genre sera notamment rendu célèbre par Musset, et le meilleur exemple en est Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, aujourd’hui au Studio de la Comédie-Française.

© Brigitte Enguérand

Un ring. Une dalle en béton, un puits de lumière éclairant une sculpture en glaise en cours de travail, une porte, aucun mur – l’appartement de la Marquise est moderne, vide, et laisse ainsi place à l’action.
Deux combattants. A droite, le Comte, Christian Gonon, la quarantaine fatiguée, bel esprit quand ce dernier n’est pas grognon. A gauche, Jennifer Decker, la Marquise, veuve depuis peu, blasée comme pas deux, look de working-girl trentenaire portée sur la poterie.
Pas de fioritures, le combat se joue à coups de piques, répliques bien senties au quart de tour, le reste n’est que décor – la langue de Musset se suffit à elle-même.
Laurent Delvert connait le texte depuis longtemps et a choisi de placer la pièce à notre époque. Tenues modernes (T-shirt/jean pour madame, costume/écharpe pour monsieur), décor aux faux airs de loft, adieu l’aristocratie, bonjour l’énergie urbaine, ce qui se ressent sur le jeu : on est loin du phrasé châtié de l’époque – heureusement la guerre des sexes est éternelle. En résulte un échange plus punchy, plus contemporain, au désespoir des puristes (et au bonheur des autres), ce qui donne aux comédiens toute latitude pour s’affronter à bras-le-corps (façon de parler).
Christian Gonon rend à merveille les fragilités du Comte, cet homme d’esprit, du beau monde, qui perd à nouveau ses moyens quand il s’agit de se déclarer. En face, la brutalité oratoire (toujours avec un sourire en coin) de Jennifer Decker la Marquise commence par dérouter par un côté parfois outrancier – et puis on se laisse prendre au jeu, et on tombe amoureux de l’excentricité de cette femme qui se sublime quand elle se dévoile.
La porte finira par se fermer, le combat trouvera sa conclusion : pas de K.O. technique, mais des fiançailles en bonne et due forme – un joli happy end pour cette joute verbale d’une grande habileté.


Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée

Distribution : Christian Gonon, Jennifer Decker
Mise en scène : Laurent Delvert 
Scénographie : Philippine Ordinaire 
Costumes : Christian Lacroix 
Lumières : Nathalie Perrier 
Réalisation sonore : mme miniature 

 

Du 23 mars au 7 mai 2017

 

Durée : 1h

 

Studio-Théâtre
99 rue de Rivoli
Galerie du Carrousel du Louvre
75001 Paris

http://www.comedie-francaise.fr