[Festival Les Singulier.e.s] « PODE SER », une quête de négativité par l’hybridation

Pode ser, mise en scène Leïla Ka © Martin Launay

Il est difficile d’aborder Pode ser, solo de danse de Leïla Ka, sans évoquer le spectacle qui semble systématiquement l’introduire : C’est toi qu’on adore, un duo exécuté avec Jane Fournier Dumet. Joué au 104 dans le cadre du festival Les Singulier.e.s, ce diptyque évoque un sentiment étrange, cryptique, et l’articulation de ses deux parties n’est pas évidente au premier abord. Pourtant, le titre – « peut-être » en portugais, nous en donne une clé : l’être du corps est étendu par le « pouvoir-être » du jeu. Dans un premier temps, la dualité des corps de C’est toi qu’on adore permet de développer différentes modalités de l’être-ensemble : elle donne lieu à une dialectique entre la cadence mécanique et déshumanisante du mouvement synchronisé, et le chaos de deux corps poursuivant leur mouvement individuel propre. Des mesures au clavecin, diffusées à intervalles arbitraires et agressives, viennent compléter ce basculement constant entre ordre et chaos.

Pode ser agit alors comme un entonnoir, fusionnant ces conflits dans un même corps. La danse de Leïla Ka devient le moyen d’exprimer la potentialité de l’être, pris dans le conflit entre positivité (ce qu’il est) et négativité (ce qu’il pourrait être). Par un jeu théâtral sur le costume, qu’elle incorpore à son travail de recherche depuis May B, la danseuse suscite de multiples identités, transformant son corps et son mouvement en conséquence. De la robe au jogging, du pas saccadé du hip-hop à la « chute en mouvement » de la danse contemporaine, Leïla Ka enchaîne les compositions de personnages, qui ne sont que les étapes fantomatiques d’une exploration plus large.
Finalement, le spectacle rejoint la question contemporaine de l’universalité du corps performant. Si l’objet de la danse est l’esthétique du mouvement, l’hybridation de la danse théâtrale ajoute celui de l’imaginaire corporel. Or cela implique qu’il est possible, dès lors, de représenter un autre corps, donc un autre être. C’est pourquoi la danseuse n’est plus seulement dans l’exploration des possibilités de son propre corps : elle recherche plutôt d’autres corps à évoquer.

Alors que la notion d’universalité est contestée en art comme en politique, comment représenter un autre corps tout en s’ancrant dans le sien ? Ou plus simplement, comment représenter l’autre ? Le spectacle ne propose malheureusement pas de réponse à cette question, mais la précision technique alliée à l’engagement corporel exaltant des danseuses nous porte tout de même dans cette traversée d’un peu moins d’une heure.

Qui a besoin du ciel-Pierre Gondard (9)
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C’est toi qu’on adore, mise en scène Leïla Ka © Christian Robert

Informations pratiques

C’EST TOI QU’ON ADORE / PODE SER Création 2017
Festival Les Singulier.e.s 6ème édition du 18 janvier au 26 février 2022

Chorégraphie
Leïla Ka

Interprétation
Leïla Ka
et Jane Fournier Dumet ou Jennifer Dubreuil Houthemann en alternance pour C’est toi qu’on adore
Lumières Laurent Fallot

Dates
Du 12 au 20 février au 104, Paris

Durée
50 mn

Adresse
CENTQUATRE-PARIS
5 rue Curial
75019 Paris

Informations pratiques

CENTQUATRE-PARIS
www.104.fr

Festival Les Singulier.e.s 2022 6ème édition
www.104.fr/fiche-evenement/festival-les-singulieres-2022.html

Pode ser – Leïla Ka
leilaka.fr