« FESTIVAL AU VILLAGE Á BRIOUX [2] – 29ème édition » Autour des arts de la rue : un grand festival aérien, clownesque et poétique ! 

A Brioux-sur-Boutonne, le « Festival au Village » est un événement très attendu par les habitants et les fidèles. Préparé de longue date par Christophe Frèrebeau, directeur du Festival et son équipe, ce festival multidisciplinaire est reconnu « d’intérêt régional » depuis 2006. Si à ses débuts en 1988, ils étaient une dizaine de passionnés, aujourd’hui 150 bénévoles les ont rejoint pour accueillir le public venu des Deux-Sèvres et d’ailleurs. Au programme du 7 au 15 juillet : des grands talents du cirque, des arts de la rue, du théâtre, de la chanson et de la musique. Invitée d’honneur de cette 29ème édition, la circassienne Jeanne Mordoj présentera une performance originale, animera des expérimentations culinaires et un stage autour du langage créatif. Sur la place centrale du Champ de Foire, l’inauguration du festival le 8 juillet se fait en présence de nombreuses personnalités. Autour de la grande scène, moments de détente et ambiance festive lors des pique-niques, apéros-concerts et autres rendez-vous organisés.

Dans la cour Castor, des formes féminines esquissées interpellent le public. Sur les panneaux et les bandes de papier, comme si on pénétrait dans une grotte, ces figures archaïques, monstrueuses semblent nous observer, se mouvoir et danser en toute liberté. De l’art brut, Jeanne Mordoj en produit les yeux fermés ! Tout de noir vêtue, au son du violon de Mathieu Werchowski, elle s’appuie concentrée sur le grand panneau blanc et soudain se profile le corps d’une femme nue. D’autres suivent entrelacées et en mouvement, porteuses de l’énergie et de l’expressivité qu’elle leur confère par ses traits. Créée en 2015, « La Fresque » est une performance où l’artiste en pleine présence puise dans son ressenti, ses inspirations et fait jaillir une peuplade proche et lointaine à la fois, ouvrant notre imaginaire. De l’enveloppe charnelle qui nous identifie aux multiples représentations de la féminité et ses étonnants pouvoirs, elle interroge doucement notre humanité.

La Fresque - Jeanne Mordoj 1 © Géraldine Aresteanu
La Fresque - Jeanne Mordoj 2 © Géraldine Aresteanu
La Fresque - Jeanne Mordoj 3 © Géraldine Aresteanu

© Géraldine Aresteanu

Cette scénographie vivante devient alors le cadre de « La Poème », un solo incroyable où Jeanne Mordoj arrive une petite valise à la main avec une drôle d’allure. Peu à peu, elle se métamorphose en poule sauvage. La contorsionniste ingère, gobe et régurgite quantité d’œufs. Impressionnant, déconcertant, on retient son souffle devant cette créature mutine qui chante, éructe, se gargarise et se joue de ses formes. Du cirque, du clown, de la danse, de la magie et toute la dramaturgie portée par ce corps féminin aux mystérieuses capacités. Sensualité du jaune d’oeuf glissant sans se rompre ou des coquilles écrasées comme une deuxième peau. Naissance, origine du monde, animalité, l’artiste est une source intarissable, elle célèbre la vie et la féminité dans ce conte à la musicalité africaine. Depuis 20 ans, Jeanne Mordoj – Compagnie BAL crée ses propres langages scéniques, invente, explore et nourrit ses créations par le travail du corps, la voix, le jeu, le dessin et l’improvisation. Ce spectacle empreint de poésie ne laisse pas indifférent et fait parler de lui car il évoque notre identité, les instincts bestial et primitif de l’être, sa beauté mais aussi sa grande puissance.

A la Corderie, se dresse un mât chinois atypique avec à six mètres du sol un trampoline entouré d’un filet. Un homme en blanc surgit, fait tourner le plateau, commence alors un étrange ballet accompagné par le violoncelliste Erwan Le Guen. Des figures sur agrès aux déplacements des quatre mâts (vertical, oblique, statique, mobile), les corps défient la gravité dans cette création où tout bouge constamment et se retrouve dans un équilibre fragile. Avec leurs spécificités, les artistes doivent s’adapter et trouver la voie pour avancer ensemble, vers un idéal de liberté. L’espoir les pousse à agir, à se dépasser sans cesse et à se hisser plus haut en acrobaties ou sur le trampoline. Créé en 2015 par la Compagnie bordelaise Bivouac, « A corps perdus » se présente sous forme narrative. La mise en scène de Maryka Hassi se place au plus près des comédiens. On perçoit leur souffle, leur rythme et toute leur énergie. Ils retiennent ainsi toute notre attention. Voix, univers sonore viennent accentuer la dramaturgie. La scénographie est une sculpture vivante sous les doigts experts des six circassiens qui se défient, se cherchent et domptent cette structure monumentale. Une succession d’images et de tableaux chorégraphiés exécutés avec grâce et minutie : « accords parfaits » et poétiques sous le ciel limpide. Bravo à Nhât-Nam Lê, Gaëtan Dubriont, Benjamin Lissardy, Maureen Brown, Charlie Marey et Nat Whittingham pour leur interprétation sensible et cette belle proposition !

A la cour Pellevoisin, place aux clowns qui nous emmènent dans deux histoires étonnantes où rien ne se passe comme prévu… Tout d’abord « À vue de nez » nous plonge dans les coulisses d’un spectacle en plein air. Sur le fond, un grand rideau rouge, les comédiens se préparent avec leurs accessoires, des éléments de décors jonchent l’herbe. C’est l’effervescence, ils doutent, se questionnent, chantonnent ou font sortir le texte. Ces clowns maladroits ont quelques oublis et visiblement du mal à tenir en place. Ils investissent le verger et vont parmi le public en solo, duo, en musique ou en dansant. Leurs émotions sont palpables. Dans la deuxième partie, apparition du jeu masqué, un mélange inattendu. La proposition nous fait ressentir quelques longueurs, le rythme s’essouffle. Autour du mime, du clown et de la commedia dell’arte, ce spectacle de sortie des élèves du Groupe 10 à l’EDT91 en Classe Préparatoire à l’Enseignement Supérieur en Art Dramatique présente de bons éléments.

La Poème - Jeanne Mordoj 1 © Géraldine Aresteanu
La Poème - Jeanne Mordoj 2 © Géraldine Aresteanu
La Poème- Jeanne Mordoj 3 © Géraldine Aresteanu

© Géraldine Aresteanu

Avec « La folle famille !», partez sur la route des vacances. Une joyeuse troupe de clowns aux caractères bien trempés qui ne manqueront pas de vous séduire. Maquillages et tenues réussies, Punch, Cacahuète, Timol, Aglaë, Puce et toute la bande nous entraîne dans un univers coloré et plein de poésie où de beaux tableaux se dessinent. La mise en scène est ingénieuse et savamment construite. De nombreux ressorts dans la dramaturgie renforcés par les silences. Seul ou en groupe, les personnages vous toucheront par leur présence, leur interprétation spontanée et leur tendresse. Venus de Niort, ces huit comédiens de Cirque en scène passionnés ont une énergie débordante.

A voir aussi, sous le chapiteau, un happening haletant où Gilles Cailleau produit des images frappantes avec des objets du quotidien. Il joue aux marionnettes, se déguise, lance des couteaux, se met en équilibre, fait de la magie et devient clown-acrobate… L’artiste fabrique en direct sa musique sur une guitare, un violon et chante à tue-tête. « Le nouveau monde » conçu par Gilles Cailleau début 2017, décrit l’histoire du XXIème siècle chaotique et poétique et nous plonge vers l’inconnu. La dramaturgie est accentuée par les représentations et reconstitutions pour permettre de comprendre les situations et envisager l’avenir. Un seul-en-scène engagé, comme un voyage, de la Cie Attention Fragile.
A la cour du Temps libre, Laurent Serre, alias Lolo «Cousins» jongle avec presque tout, y compris les circonstances et les situations. Il a ressorti ses balles et ses chapeaux et le jongleur qu’il est, va rencontrer le clown qu’il est devenu dans ce tout nouveau spectacle. Le personnage est à la fois, Lolo le maladroit avec son style « old-school »… et l’élégant Mr Cousins capable d’enlever une nappe d’une table chargée de vaisselle sans ébrécher une assiette. Création 2017, « Déséquilibre passager » tout en nuance et instabilité, nous dévoile ce passionné à la fois saltimbanque et clown contemporain, résolument vintage. Une performance drôle et étonnante.

Plus de 15 000 spectateurs sont attendus pour cette nouvelle édition du « Festival au Village ». Pendant dix jours, passionnés, curieux, villageois, citadins et familles viennent échanger et découvrir cette programmation éclectique aux multiples formes : 38 compagnies proposeront une soixantaine de représentations. Un grand festival dans un petit village au grand cœur ! A suivre aussi dans cette 29ème édition : Brioux en chansons et musique et le Théâtre et les créations.

Informations pratiques


Festival au Village

Dates
Du 7 au 15 juillet 2017

http://festivalauvillage.free.fr/