« [FMTM In] PASSAGER CLANDESTIN »  Un quatuor efficace porte la voix de l’exil, une figure-monde inspirée du Bunraku 

Quatre passeurs d’histoire tout de noir vêtus, viennent avec malles, bustes de valets de chambre, bassine… et une kyrielle d’éléments nous conter l’histoire de Giovanni Pastore, un jeune berger italien qui embarque clandestinement sur le Titanic en avril 1912. Les comédiens issus de l’École régionale d’acteurs de Cannes donnent leur voix, leur énergie et manient avec application la marionnette, une figure d’humanité inspirée du « Bunraku ». Cette technique de manipulation japonaise nécessite trois acteurs-manipulateurs : un pour le corps la tête et une main, un deuxième pour l’autre main et un troisième pour les pieds. Ce personnage singulier en salopette bleu clair ressemble aux ouvriers peints par Fernand Léger. Il dégage une grande force, de la poésie et ouvre notre imaginaire. Comme des millions d’Italiens à cette époque, Giovanni est parti chercher du travail en Europe quittant à vingt ans, la Mamma et son paisible village sur les montagnes du Frioul. Attiré par le rêve américain, il est engagé dans un des restaurants du paquebot pour nettoyer les 3177 cuillères à desserts destinées aux passagers de première classe. De souvenirs en espoirs et désillusions, le récit est poignant et peuplé d’images qui se créent et se transforment au gré des manipulations. Les matériaux (formes, objets de grande ou petite taille, drap…) symbolisent les décors, les espaces ou les personnages en un clin d’œil. Une aventure tragique au cœur des mutations du XXème siècle, terriblement d’actualité. La quête du bonheur mais à quel prix ? Une métaphore du naufrage d’un monde moderne aux promesses non-tenues, à la violence et aux inégalités toujours présentes mais qui pourtant reste empreint d’espérance.

La Compagnie Arketal présente en première mondiale au Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes à Charleville-Mézières sa nouvelle création,  Passager Clandestin , d’après The Great disaster de Patrick Kermann. Le dramaturge français, auteur de  La Mastication des morts  fait résonner dans ses œuvres les voix de l’au-delà, une polyphonie qui révèle la multiplicité des êtres. Ainsi, le quatuor interprète le personnage du berger et s’adapte aux situations festives, sombres ou au travail à la chaîne ! Les mémoires du clandestin naufragé ancrées dans l’Histoire défilent à vive allure avec une foule de détails précis. La mise en scène de Sylvie Osman nous plonge dans l’atmosphère d’une époque, des progrès industriel et technique où se fondent toutes les espérances et désirs de reconstruction, histoire de chiffres et d’objets. D’hommes-objets, des victimes dénombrées ou d’hommes-machines sacrifiés à la raison technologique, Giovanni Pastore refuse cette dure réalité, il ne montera pas dans les canots de sauvetage. Cette figure représente les laissés-pour-compte, ceux d’hier et ceux qui, aujourd’hui, traversent tous les dangers pour fuir la guerre ou la misère. La dramaturgie forte de Didier Plassard est accentuée par la scénographie ingénieuse de Greta Bruggeman où la matière se met au service de l’histoire. Un travail d’écoute où vivant et matière entrent en relation avec une grande efficacité des mouvements. Giovanni circule entre les acteurs et entraîne le public dans différents espaces où le temps est bousculé. Pas d’incarnation, une voix plurielle, chacun peut s’identifier à lui. Ce spectacle émouvant où l’art et le lyrisme se mêlent est un chant sorti des profondeurs qui interpelle notre humanité.

p.clandestin_7024

© Brigitte Pougeoise

 

Informations pratiques

Auteur(s)
D’après The great disaster de Patrick Kermann

Mise en scène
Sylvie Osman

Avec
Fanny Fezans, Thibault Pasquier, Laurent Robert, Jean-Baptiste Saunie

Dates
Du 16 au 17 septembre 2017

Durée
1h10

Adresse
Centre culturel de Nouzonville
Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes
Rue du Théâtre
08000 Charleville-Mézières


Informations et dates de tournée 

http://arketal.com

http://www.festival-marionnette.fr