« LA GÂCHETTE DU BONHEUR » Nuées de témoignages à tirs de roulette russe 

Sillonnant entre décibels, transe collective et dévoilement de soi, cette performance participative du tandem d’artistes Joao Galante et Ana Borralho, convie une douzaine de jeunes non comédiens, entre 18 et 23 ans, sur le plateau pour s’exprimer sur la découverte du corps et de la sexualité, l’insécurité des réseaux sociaux, la perte d’un.e proche, les rapports familiaux ou amicaux, les violences policières ou sur les agressions sexuelles, dressant ainsi un panorama des différentes situations qui se dynamitent à mesure que l’on grandit et des mutations parfois inquiétantes de la société.

Du lâcher-prise corporel au lâcher-prise verbal, cette performance suivant le principe aléatoire de la roulette russe a des allures de jeu mortel, fardant le visage de la « victime » d’une poudre aussi éclatante que ce qu’elle s’apprête à nous livrer. Attablé.e.s face à nous, un buffet à leur disposition, les interprètes se situent dans le cadre familier d’une fête entre amis que la musique techno vient parfois ponctuer. Au lointain, la projection de photographies des chambres respectives des jeunes adultes, plonge le spectateur dans l’intimité de l’interlocuteur. A la lisière entre le théâtre de témoignage et l’auto-fiction, la thérapie collective et les confidences intrusives, les participant.e.s semblent placés dans l’étau d’une situation inconfortable, exposés à nous dans leur fragilité. Ces interventions forcées par la gâchette sont également entrecoupées de prises de paroles plus spontanées où les jeunes adultes laissent libre cours au flot de pensée qui les habitent, faisant fi de tout jugement, avec une oralité décomplexée conservant ses hésitations, répétitions et silences : des imperfections assumées qui apportent authenticité et charme à la performance. Le souvenir des uns s’aimantent parfois aux histoires des autres, ouvrant ainsi une brèche au dialogue.

Des longueurs néanmoins, dues à la structure trop répétitive de la pièce et son net manque de progression : on cerne difficilement où la pièce cherche à nous mener. De même, le rapport avec le bonheur reste obscur, voire totalement éludé dans le spectacle. Il s’agit moins d’un portrait unitaire d’une jeunesse française que d’une mosaïque éclatée d’existences singulières et l’identification ne s’opère que trop rarement si elle avait vocation à être représentative. On regrette le manque d’organisation entre les différentes prises de parole inégales, les histoires avortées par des interruptions, conférant un aspect confus et frustrant au spectacle.

Malgré l’énergie débordante des jeunes interprètes et leur complicité palpable, quelques éclats de rire ou des gorges serrées par moments, la performance s’éternise jusqu’à en devenir presque lénifiante. La pièce a toutefois le mérite de redonner légitimité à la pensée et à l’expérience d’une jeunesse trop souvent discréditée par les tenants de l’autorité.

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Informations pratiques

Conception, direction artisitque
Ana Borralho, João Galante

Avec
AMEUR-ZAIMECHE May; BARRAULT Eleonore, HERIN Nathan, LIZOP Camille, LUBUMA Pierre, MADIBA Sara-Angeline, MAGINOT-HARDY Maëlle, MASSINI Oriane, MICHEL- ENGELHORN Lila, ORIOU Eva, RAIGNEAU Loubna, ROYER Simon, SAUVAGE Axel, THIERRY Jonas

Dates
Du 8 au 16 février 2018

Durée
1h30

Adresse
Nouveau Théâtre de Montreuil
Salle Maria Casarès
63 rue Victor Hugo
93100 Montreuil

Informations et dates de tournée
http://www.nouveau-theatre-montreuil.com/