"INSOUTENABLES LONGUES ETREINTES" Croisée de l’intime et de l’universel

Une rencontre avec sa vie réelle, ou une fuite en avant qui s’achève par l’accomplissement de sa propre volonté. Dans un langage qui propose plusieurs niveaux d’écoute, Irvan Viripaev livre un nouveau texte qui entraîne le spectateur dans la découverte métaphysique d’une conscience universelle. Serions-nous tous en train de subir notre existence sans en percevoir le réel sens ? Celui-ci pourrait-il se dissimuler à l’intérieur de chaque individu, relié intrinsèquement à d’autres par des forces qui dépassent notre entendement ?

La recherche des personnages commence à New-York. La ville est vue comme le centre d’un nouvel ensemble d’opportunités, comme le point de départ de leur quête de sens. Mais cette ruée vers le plaisir charnel, vers la félicité terrestre, commune à tout être humain, se heurte vite aux frontières de la réalité telle que nous la connaissons. Les déplacements géographiques des personnages sont rapidement montrés inutiles, Berlin ne les aidant pas plus que New-York à prendre en main leur existence. Les réelles avancées se font en eux-mêmes, et cela se trouve au plateau. Galin Stoev et ses comédiens ont en effet trouvé la juste distance avec les personnages de la pièce pour amener l’audience à s’immerger dans leur histoire. Car les comédiens ne les incarnent pas, mais les racontent. Cela permet la parfaite dose d’humour dans leurs moments les plus sombres, qui laissera le spectateur respirer et conserver sa sérénité d’observateur. Dans l’illogisme chaotique et parfois irrationnel du texte, souvent présent dans la dramaturgie russe, cette distance permet d’être témoins de faits plutôt que d’émotions. Celles-ci naissent chez le spectateur plutôt que d’être démontrées au plateau. Le voyage initiatique des protagonistes apparaît donc dans une certaine clarté malgré sa dimension onirique.

Les comédiens étant présents ensemble dans un espace qui paraît aussi modulable que l’esprit humain, ce qu’ils racontent prend de plus en plus de sens à mesure que s’écoulent les minutes du spectacle. Leur lien, qui apparaît au premier abord tenu, ne reposant que sur le concret de leur paroles, se renforce à vue d’œil afin de parvenir à exprimer scéniquement ces longues étreintes métaphysiques que les personnages expérimentent.

Avec cette nouvelle association, Irvan Viripaev et Galin Stoev entraînent leur public dans une véritable quête de la remise en question profonde, proposant l’individu comme guidé dans son évolution par l’univers lui-même.