« JAMBONLAISSÉ » Quand le comique perd tout son sens

Il y a peut-être une raison à ce pourquoi Google Translate n’est pas un traducteur à part entière. Passé l’amusement lié à aller voir la pièce Jambonlaissé par Guillaume Remuepoire, l’intérêt de cette adaptation se perd assez rapidement. En dehors du fait de créer de l’incompréhension, de la confusion, la singularité de cette version du texte est vite oubliée, et l’écouter en devient presque pénible. Cela n’est malheureusement pas tellement compensé par ce qui se passe sur scène. Malgré une performance plus qu’acceptable des comédiens en présence, les partis pris de la mise en scène sont balourds et répétitifs. En effet, si le personnage d’Hamlet (ou dans le cas présent, du prince Jambonlaissé) est le seul à s’exprimer avec un texte réellement intelligible, il est aussi le seul à jouer dans un registre quasi-naturaliste, tandis que les autres personnages sont tout droit sortis d’un cartoon de Tex Avery. Hamlet est donc extrêmement isolé, de par sa langue, son jeu, et le texte d’origine. Les deux directions du personnage, dans le texte et dans le jeu, ne constituent en fait que deux pléonasmes de la nature du personnage dans l’œuvre.

Mais cela aurait pu s’en tenir là, et présenter une adaptation cohérente ou originale de la pièce classique. Cela ne sera pas le cas. Sous couvert de dadaïsme et de comédie moderne, les références à la culture populaire se multiplient, parfois sans aucune autre visée que de montrer au spectateur quelque chose qu’il connait déjà. Chaque idée est épuisée jusqu’à la moelle, ce qui finit par lui retirer toute subtilité. Malgré une ingéniosité indéniable, cela donne lieu nécessairement à un marasme de références, notamment sur la fin, de gags prévisibles et répétés, qui feront doucement sourire la première fois, mais possèdent tout le potentiel pour devenir franchement lourds au fil du spectacle.

Finalement, toute l’austérité de la royauté danoise est abandonnée (pourquoi pas), et seule une vague intrigue de l’œuvre de Shakespeare est conservée, par ailleurs difficilement compréhensible pour qui ne la connait pas déjà. Celle-ci va servir de toile de fond à un bouillon de culture populaire, où la volonté du gag prend le pas sur celle de quelque sens que ce soit. L’audience assiste à un condensé délirant destiné peut être plus à amuser le plateau que l’audience. La construction du spectacle ressemble plus à celle d’une kermesse qu’à celle d’une pièce de théâtre, même si les idées et la technique sont parfois au rendez-vous.

Informations pratiques

Auteur(s)
Alice Faure d’après les traductions de William Shakespeare par François-Victor Hugo et Google Translate

Mise en scène
Alice Faure

Avec
Constantin Balsan, Mariejo Buffon, Emma Santini, David Nathanson

Dates
Du 30 janvier au 7 février 2019

Durée
1H10

Adresse
Théâtre La Reine Blanche — Scène des Arts et des Sciences
2 bis, passage Ruelle
75018 PARIS

Informations et dates de tournée

www.reineblanche.com