« JAZ »  Ludmilla Dabo, une voix jazzy et envoûtante s’élève contre d’indicibles violences 

Les quatre musiciens du Mister Jazz Band nous plongent dans l’atmosphère d’un club de jazz au cœur de la nuit. Derrière les volutes de fumées sur fond noir, la chanteuse Ludmilla Dabo s’avance au micro. Sa voix rauque, envoûtante est comme une caresse. Moulée dans une robe en cuir, elle swingue en rythme et sa beauté sensuelle charme le public. Sur la partition musicale s’inscrit le texte poignant de Koffi Kwahulé :  Jaz , une femme radieuse « belle comme un lotus » dans une cité délabrée. Rupture marquée par une ambiance feutrée, la comédienne s’approche du public avec humanité et force et l’on découvre l’histoire de la jeune femme dont la vie bascule un soir dans la promiscuité des latrines débordant d’excréments.

L’interprète sincère livre sans concession le récit du viol de cette héroïne Jaz dont le nom amputé d’un Z marque le traumatisme durable et profond qui ébranle son être et sa féminité. Malgré une distanciation du personnage, la comédienne dit ne pas être Jaz, elle semble imprégnée d’émotions par chacune des expériences de cette victime dont l’identité se délite jusqu’à se confondre avec la figure d’Oridée, jeune femme assassinée ou devenir la voix pressante et brutale de son bourreau, « l’homme au regard de Christ ». Elle se met à nu littéralement et l’on suit tout le cheminement intérieur de son personnage. Un questionnement sur le rapport à la beauté, à l’identité et à la culpabilité inhérente à ce genre d’agression. Le bruit sourd de la révolte se fait entendre. La fin en demi-teinte semble saturée, une trop dure réalité ? Une performance jazzy menée par la brillante Ludmilla Dabo.

Photo 2 -® Clara Pauthier
Visuel 1 -® Clara Pauthier

© Clara Pauthier

Joué au Festival Avignon Off cet été,  Jaz la création d’Alexandre Zeff revient au Théâtre de l’Opprimé. Une proposition rare qui traite de la violence faite aux femmes et en particulier du viol. Les conséquences graves entraînent des mécanismes de défense et l’exil du corps. La création artistique est ici porteuse d’espoirs et le chant, un cri libérateur. La musicalité et l’oralité de l’écriture de l’auteur ivoirien Koffi Kwahulé offrent de nombreuses possibilités à la mise en scène, la pièce reste toutefois très théâtrale. La musique soutient la narration et accentue le suspens. La scénographie remarquable de Benjamin Gabrié joue sur l’esthétique et la tension dramatique. Les transformations sont étonnantes et de belles images poétiques, presque cinématographiques se dessinent sous les néons et en fond rouge ou noir. Du cabaret à la sanisette, le corps féminin convoité, meurtri s’élève soudain tel une divinité, inaccessible aux assauts de « l’Inquisiteur ». Délivrée, la femme peut alors se reconstruire, c’est tout le processus de résilience qu’explore ce spectacle original et émouvant.

Autour de Jaz , la compagnie La Camara Obscura et l’équipe des jeunes chercheurs du Laboratoire SeFeA de l’Institut de Recherche en Études Théâtrales de la Sorbonne Nouvelle ont imaginé une série de temps forts en accès libre autour des différents thèmes soulevés par le spectacle : l’Afrique, le jazz, les violences faites aux femmes… Au gré d’expositions, rencontres,concerts, projections, lectures, débats, conférences, découvertes culinaires… ils investiront le Théâtre de l’Opprimé avec des artistes invités jusqu’au 15 octobre.

Informations pratiques

Auteur(s)
Koffi Kwahulé

Mise en scène
Alexandre Zeff

Avec
Ludmilla Dabo


et Le Mister Jazz Band :
Guitare Frank Perrolle
Basse Gilles Normand
Batterie Louis Jeffroy
Saxophone Arthur Des Ligneris

Dates
Du 4 au 15 octobre 2017

Durée
1h05

Adresse
Théâtre de l’Opprimé
78, rue du Charolais
75012 Paris

http://www.theatredelopprime.com/