« JE DANSE PARCE QUE JE ME MÉFIE DES MOTS » de la compagnie Hime

Je danse parce que je me méfie des mots, mise en scène et chorégraphie Kaori Ito © Gregory Batardon

Le spectacle fondateur de la Compagnie Hime, Je danse parce que je me méfie des mots, frappe d’abord par son insolence, son humour, et la grande profondeur de ses silences. Créée en 2015, cette partition pour deux danseurs, accompagnés d’enregistrements et d’une étrange sculpture au lointain, est le premier volet d’une trilogie sur l’intime. Parfois touchante, parfois drôle mais toujours déconcertante, Kaori Ito y relate ses débuts dans la danse, son décalage croissant avec son pays d’origine, et surtout sa relation avec son père, Hiroshi Ito, sculpteur et homme de théâtre vivant à Tokyo. Ce père devient dès lors une figure d’altérité, qui interroge également la relation de la chorégraphe à son pays natal, à la pratique du théâtre, et à la parole.

Pourtant, Hiroshi Ito est justement le deuxième danseur du spectacle, et sa présence sur scène est sans doute le parti pris le plus fort de cette création : s’engage alors un dialogue entre l’intime et l’extime, la vérité et le souvenir, l’enfant et le premier censeur qu’est le parent.
Ainsi s’opère une double dynamique sur la représentation. D’un côté, le bambin est représenté avec un masque balinais, qui permet une mise à distance. Toutefois, il apparaît véritablement dans la litanie de questions dures et parfois accusatrices que fait la fille au père pendant qu’il danse : « pourquoi durant le tsunami, les Japonais s’arrêtaient au feu rouge ? », « pourquoi au restaurant, tu payes toujours avec le portefeuille de ma mère ? », « combien d’années il te reste à vivre ? ».

Le plus impressionnant reste l’ambiance très particulière que parvient à créer le duo par leur attitude minimaliste, centrée sans être distante, joueuse sans être trop volontaire et qui, de poses en micro-événements, nous invite subtilement à nouer un lien d’intimité.
Le spectacle parvient de cette façon à aborder des thèmes très lourds avec une grande légèreté, mais sait quand tirer le voile pour nous faire ressentir leur gravité. Les danseurs ne se prennent pas trop au sérieux, et jouent de l’espace sonore convoqué par les enregistrements pour les détourner par leur présence. En s’attachant plus aux questions qu’aux réponses, il étonne, fait remarquer, sans jamais s’alourdir d’un point de vue trop évident. C’est peut-être le sens de cette formule que Kaori Ito a choisi pour titre, et dont on retrouve un écho quand Hiroshi Ito évoque le souvenir de son incapacité à transmettre une idée à une de ses comédiennes, du temps où il mettait en scène Shakespeare.

Il ne s’agit pas de placer la danse au-dessus du reste. Là où la parole ne peut nous toucher que par l’intellect, la danse peut nous émettre de manière plus ample. Mais c’est à la frontière très précise entre la danse et le théâtre que la présence scénique de Kaori Ito et de son père, faite de mouvements aussi bien que d’arrêts, de bruits et de silences, nous atteint au plus profond.

Je danse 2 Roublot © Gregory Batardon
Je danse 4 Roublot © Gregory Batardon
Je danse 5 Roublot © Gregory Batardon

Je danse parce que je me méfie des mots, mise en scène et chorégraphie Kaori Ito © Gregory Batardon

Informations pratiques

JE DANSE PARCE QUE JE ME MÉFIE DES MOTS

Texte, mise en scène et chorégraphie
Kaori Ito

Avec
Kaori Ito (fille) et Hiroshi Ito (père)
Collaboration à la chorégraphie Gabriel Wong
Dramaturgie et soutien à l’écriture Julien Mages
Scénographie Hiroshi Ito
Création lumière Arno Veyrat
Musique Joan Cambon
Création sonore Adrien Maury
Conception des masques et regard extérieur Erhard Stiefel
Costumes Duc Siegenthaler (Haute École d’Art et de Design de Genève)
Coaching acteurs Jean-Yves Ruf
Coaching vocal Alexis Gfeller

Dates
Les 10 et 11 mai 2022

Durée
1h

Adresse
Théâtre Halle Roublot
95 rue Roublot
94120 Fontenay-sous-Bois

Informations complémentaires

Théâtre Halle Roublot
www.theatre-halle-roublot.fr

Compagnie HIME
www.kaoriito.com