« Les Jeux de l’amour et d’Offenbach », texte et mise en scène d’Yves Coudray, musiques de Jacques Offenbach, Théâtre de Poche Montparnasse

Article de Céline Coturel

Nos amours ritournelles

Une femme d’une cinquantaine d’années se présente, empressée, chez un impresario qui n’est pas là. Elle veut être la première à l’audition d’une tournée-concert aux Etats-Unis… que prépare Jacques Offenbach. Nous sommes en 1875, et le grand compositeur recherche un baryton et une soprano. La soprano, c’est elle, Ernestine, et le baryton, ce sera Alfred, qui arrive comme elle en avance à l’audition. Ces deux rossignols se sont aimés autrefois. Leur rencontre-surprise donne lieu à une série d’interprétations musicales, chantées au gré de leur raccommodage sentimental.

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D’abord décidés à convaincre l’accompagnatrice Manuela, qui les reçoit, les deux personnages entament le répertoire d’Offenbach avec ferveur. Ils forcent le trait pour montrer leur connaissance de la scène et de la comédie. La pianiste d’abord impressionnée, exécute ensuite son travail avec application, mi-ravie, mi-lassée. C’est qu’ils ne s’arrêtent plus ! Charmante, elle reste derrière son piano, adjuvante discrète aux retrouvailles.

Ce pasticcio créé par Yves Coudray pour le premier Festival Offenbach d’Etretat, est une opérette guillerette, amusante et colorée, dont les beaux costumes sont signés Michel Ronvaux. Tout est d’époque, du canapé au sac à main d’Ernestine, des toilettes soignées au mouchoir de poche dont se saisit Alfred comme d’accessoire. Cette mise en abîme est réussie, mais aurait pu être orientée vers un peu plus de tentatives, de tâtonnements de la part des personnages, une fois la première étape de l’audition passée. Ils reprennent après plusieurs années d’absence. Cela eut donné du piment, et un sens du comique supplémentaire. Yves Coudray aurait pu se permettre un petit pas de côté, plus de fantaisie. Mais il a voulu rester dans la maîtrise de l’art de ses personnages.

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Par ailleurs, nous sommes dans un espace petit : le public est à un doigt – ou presque – des protagonistes, et à leur hauteur. Cet effet de promiscuité adhère tout à fait la situation : les trois personnages sont dans l’antichambre d’un appartement parisien, et nous avec. Mais la voix d’un chanteur lyrique étant bien souvent déployée à son maximum, malgré les régulières modulations, le public peut parfois se sentir à l’étroit. D’autant plus que les pauses entre chaque air sont trop rares, et que les chansons sont scrupuleusement interprétées en entier. Tous les discours que tiennent l’homme et la femme dans ce duel qui devient duo, résident dans les paroles des chansons, et c’est peut-être là la fragilité. Ce qui faisait la force de la pièce devient pour ainsi dire sa faiblesse.

Cependant, n’oublions pas qu’il est rare de trouver aujourd’hui des opérettes « d’époque », portée avec une énergie inépuisable. Offenbach, symbole déjà en son temps, les aurait peut-être retenus ! La pièce a la brillante idée de s’arrêter juste avant qu’on ne le sache.

 

 

Les Jeux de l’amour et d’Offenbach

fantaisie lyrique sur des musiques de Jacques Offenbach

Texte et mise en scène d’Yves Coudray

Avec Edwige Bourdy ou Mélanie Boisvert (Ernestine, soprano)

Jean-Michel Séréni ou Lionel Peintre (Alfred, baryton)

Nina Uhari ou Erika Guiomar ou Sophie Teulon (Manuela, pianiste)

Costumes Michel Ronvaux

Du 13 septembre au 6 novembre 2016

Au Théâtre de Poche, Montparnasse

75 Boulevard du Montparnasse

75006 Paris

www.theatredepoche-montparnasse.com