« Kiki de Montparnasse » mise en scène de Jean-Jacques Beineix au Théâtre du Lucernaire

Article de Jeanne de Bascher

La face cachée de Kiki

Jean-Jacques Beineix revient sur la célèbre femme au corps de violon. Une pièce agile et sobre qui retrace la vie tumultueuse d’une icône des années 20.

On sait finalement peu de choses sur Kiki de Montparnasse. Muse et modèle des plus grands peintres, amante de Man Ray, sa vie renvoie à l’image d’une femme libre et en avance sur son temps. A l’époque, son allure bohème, sa nudité et ses poses lascives défraient la chronique. Aujourd’hui, elles nous paraîtraient bien banales, pour ne pas dire communes. De même, son train de vie festif et effréné, qui anima tout le quartier de Montparnasse, ferait bailler le plus inerte de nos jet-setteurs. Alors, comment adapter la vie d’une star qui n’aurait aujourd’hui plus rien d’extravagant ? En bonne intelligence, Jean-Jacques Beineix prend le parti de la sobriété pour révéler ce qui se cache derrière les paillettes. Sa Kiki de Montparnasse est intime et sombre, à l’image de ce qu’était réellement Alice Ernestine Prin, de son vrai nom.

kiki_montparnasse_DR© DR

Dans un décor simple, Héloïse Wagner se faufile et entre sur scène sous le masque de Kiki, la « Reine de Montparnasse ». Elle raconte au spectateur ses origines et ses souvenirs de jeunesse, ses rencontres improbables avec Soutine, Modigliani ou encore Foujita. Elle chante et danse au son enjoué de la guitare (Rémi Oswald) et de l’accordéon (Rodrigue Fernandes) qui l’accompagnent sur scène. Mais très vite le masque tombe, car Kiki est loin d’être la carte postale que les touristes ne cessent d’acheter. Ce destin exceptionnel et gravé dans l’imaginaire collectif n’a en réalité rien d’un conte de fées. Ainsi, le spectacle porte un regard critique et réaliste sur l’envers du décor. Kiki est une icône qui ne s’exporte pas et subit la dure vie d’une fille de cabaret. Enfermée dans un rôle exigé par la foule, l’égérie est seule et constamment délaissée par les hommes qu’elle aime. A 33 ans, elle pèse 80 kg, dus à ses excès et sa mauvaise hygiène de vie (elle ne mange pas à sa fin). Pour elle aussi la fête est finie.

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Jean-Jacques Beineix place Kiki entre une Marilyn fin de carrière et une Peggy Guggenheim époque Man Ray. Les dessous sont-ils chics ? Pas vraiment. Un angle d’attaque intéressant mais qui reste encore trop gentillet, le côté dramatique de sa vie aurait pu être accentué. Qu’importe, la magie opère grâce à la gouaille d’Héloïse Wagner, qui charme dès son entrée sur scène. L’actrice interprète Kiki comme un diamant brut, instinctive et candide. Elle est au centre d’une mise en scène volontairement dépouillée de tout artifice. Un portrait sans fard qui amuse et divertit.
Un spectacle musical à voir si l’on veut connaître ce qui se cache derrière le scintillant miroir de Kiki de Montparnasse.

Kiki de Montparnasse
Mise en scène de Jean-Jacques Beineix
Avec Héloïse Wagner, accompagnée de Rémi Oswald (guitare) et Rodrigue Fernandes (accordéon)
Chansons Frank Thomas
Musique Reinhardt Wagner
Chorégraphie Corinne Devaux
Vidéo Christian Archambeau / Jean-Jacques Beineix
Lumière Pierre Befve
Du 29 août 2015 au 18 octobre 2015

Théâtre du Lucernaire
53, rue Notre-Dame-des-Champs
75006 Paris
http://www.lucernaire.fr/