Article de Paula Gomes
Les messagers d’une histoire sans fin
Dans un épais nuage de fumée, trois silhouettes tout de noires vêtues traversent le plateau nu. À l’instar des habitants de Biélorussie touchés par les gaz émanant de la centrale nucléaire de Tchernobyl après la catastrophe du 26 avril 1986, un sur cinq vit aujourd’hui dans une région contaminée, exposés aux petites doses d’irradiation, ils sont atteints de plus en plus de cancers, de maladies nerveuses et psychiques ainsi que de mutations génétiques. Ce désastre national entraîne un déficit démographique continu et des conséquences environnementales irréversibles, une guerre par-dessus toutes les guerres. Après ce récit en voix off, le trio soudé, face public précise qu’en moins d’une semaine, les radiations se sont propagées en Europe, Asie et Amérique. Problème à l’échelle mondiale, Tchernobyl est devenu 30 ans après un symbole, un épisode que tous voudraient oublier. De l’explosion du réacteur n°4 de la centrale, aux interventions d’urgence et aux réactions de la population et des autorités, des témoignages bouleversants portés par de brillants comédiens tout en chorégraphie et ponctués de chants russes. La prise de conscience d’une réalité nouvelle, désormais un monde différent entre les mains de l’Homme.
© Anne-Charlotte Compan
« Tchernobyl Forever » est une création de Stéphanie Loïk tirée du livre éponyme d’Alain-Gilles Bastide avec à l’occasion de cette commémoration, une exposition de ses photographies à l’espace Anis Gras. Depuis plusieurs années, Stéphanie Loïk adapte et met en scène des textes de journalistes écrits à partir d’interviews comme celui de Slevetlana Alexievietch en 2013 « La Supplication, Tchernobyl Chronique du monde après l’apocalypse ». Ce théâtre « documentaire » permet de partager des situations vécues, d’interroger et d’interpeller le spectateur. Porte-voix, les comédiens narrent des événements dramatiques, parfois insoutenables accompagnées de gestes lissés, de portés. De nombreuses incarnations (citoyens de Pripyat, pompiers, liquidateurs, femmes) où les individus se prennent par la main, face à la peur, à la mort inéluctable, ensemble ils se relèvent, avancent et veulent des explications. Respirations salvatrices par les chants, les acrobaties et les effets lumineux et sonores (mosaïques colorées, hélicoptères, chœur patriotique).
© Anne-Charlotte Compan
Vladimir Barbera, Aurore James et Elsa Ritter sont des messagers imperturbables et débordants d’énergie tenant à bout de bras ce texte puissant, ces destins tragiques de héros ou d’hommes ordinaires, du toit du réacteur à la plaine profonde. Un temps suspendu, un spectacle poignant et sensible basé sur des histoires vraies après cette gigantesque catastrophe (expériences nouvelles, déracinement, maladies, abandons) avec de multiples interrogations. Les dangers du nucléaire sont toujours d’actualité, des impacts sont omniprésents sur de vastes territoires. Après Tchernobyl et Fukushima, comment affronter une menace invisible ? Quelles sont les responsabilités des citoyens, face à l’avenir de l’Humanité ? Un devoir de transmission, d’action et un mystère qu’il faut élucider au XXIème siècle.
« Tchernobyl Forever »
D’après le Carnet de Voyage de Alain-Gilles Bastide
Adaptation et mise en scène Stéphanie Loïk
Avec
Vladimir Barbera
Aurore James
Elsa Ritter
Lumières Gérard Gillot
Musique et chef de choeur Jacques Labarrière
Chants russes Véra Ermakova
Assistante à la mise en scène et régie son Ariane Blaise
Assistant Compagnie Igor Oberg
Du 26 au 30 Avril 2016
Le mardi 26 avril à 14h et 21h
Les mercredi 27, jeudi 28 et vendredi 29 avril à 14h et 19h30
Le samedi 30 avril à 14h et 21h
Anis Gras/Le Lieu de L’autre
55, avenue Laplace
94110 Arcueil
http://www.lelieudelautre.com/