« L’ART DU THÉÂTRE suivi de DE MES PROPRES MAINS » Le naturel haletant

C’est d’abord une surprise. Voir cet animal démesuré avancer sur la scène change immédiatement l’état du spectateur attentif à ce qui va lui être donné. L’acteur, Arthur Nauzyciel, parait même effacé en partageant la scène avec Elboy, son chien terre-neuve. Même sa voix est d’abord moins présente que le halètement canin qui empli la salle. Puis le dialogue se fait. Car c’est bien un dialogue qui prend place sous nous yeux. À première vue entre l’homme et l’animal, le maître et le chien, mais le texte de Pascal Rambert nous emmène assez rapidement à y voir autre chose. Le comédien parle en effet de L’art du théâtre, de la puissance du jeu de l’acteur, de la naturalité, et du fait de devenir quelqu’un, ou quelque chose, d’être. Et tous ces attraits sont visibles chez l’animal. Il va et vient sur le plateau, halète, écoute, réagit. Les rôles s’inversent. « On n’apprend pas l’art du théâtre à un chien » dit l’auteur, et pourtant Elboy est parfait dans son rôle sur la scène. À tout moment. Arthur Nauzyciel nous parle de la recherche, de l’absence de réflexion au plateau, d’aller les yeux fermés trouver son être, de carboniser le public par sa puissance d’acteur. Tout au long du premier texte, l’attention ne quitte jamais réellement l’animal, puisqu’il est imprévisible. On ne le juge pas, parce qu’il est. La concentration du comédien sur ce partenaire particulier lui donne alors la même naturalité. Il joue avec les réactions du chien, il ne réagit qu’en fonction de lui, ne l’oublie jamais pour lui-même, et se retrouve donc affublé de la même imprévisibilité. Il essaie d’apprendre quelque chose au chien qui le sait déjà, qui l’est déjà. Et c’est cela qui va octroyer une certaine clarté à ce discours sur les métiers du théâtre, peut-être un peu orienté vers les initiés.

© Giovanni Cittadini Cesi

Par la suite, Nauzyciel revêt un autre état, une autre énergie. Il est seul cette fois-ci. Terriblement seul. Premièrement de par son texte. De mes propres mains n’est plus une recherche, mais une certitude absolue d’une fin proche. Une impasse. Un chien qui réalise qu’il ne courre qu’après sa queue, et qui n’en peut plus. Il est dans la précipitation d’en finir. Malgré la violence mortelle de ce second texte, la même puissance ne se dégage pas du plateau. Lorsque la première est si empreinte de réalité et de sincérité, cette seconde partie renvoie quelque chose de plus connu, attendu. Un comédien interprétant un texte. Peut-être que l’effet en aurait été décuplé si l’ordre était inversé, si le comédien présentait d’abord cette performance somme toute excellente, puis parlait de son art avec son interlocuteur canin. Une expérience malgré tout assez nouvelle et pertinente, qui vaut largement le détour.

© Giovanni Cittadini Cesi

Informations pratiques

Auteur(s)
Pascal Rambert

Mise en scène
Pascal Rambert

Avec
Arthur Nauzyciel et Elboy

Dates
Du 6 février au 3 mars 2019

Durée
1H20

Adresse
Théâtre du Rond-Point
2bis avenue Franklin D. Roosevelt
75008 PARIS

Informations et dates de tournée

www.theatredurondpoint.fr