« L’avaleur » d’après « Other People’s money » de Jerry Sterner, mise en scène Robin Renucci à la Maison des Métallos

Un article de Richard Magaldi-Trichet

 

Ton univers impitoyable…

 

Une entreprise familiale et prospère, « Le câble français de Cherbourg », devient la proie d’un financier sans scrupules de la City de Londres, Franck Kafaim. Financier sans scrupules, le pléonasme de l’expression est ici évident, et parfaitement bien illustré par le texte de Jerry Sterner. A grands coups d’OPA, de cours d’actions à la baisse, à la hausse et de montages financiers plus ou moins bidons, le spectateur se voit plongé dans le monde cruel et violent de l’argent virtuel. Cruel et violent pour le salarié qui n’a rien demandé et accepté bêtement de geler son salaire, mais jouissif et extatique pour celui qui tire les ficelles de ce géant jeu de dupes et de marionnettes. L’intrigue à rebondissements et coups de poignard dans le dos n’est pas sans rappeler certaines séries télé américaines des années quatre-vingt, avec brushing bouffant et épaulettes de vestes de tailleur en moins. On lorgne plutôt ici du côté du « Parfait trader pour les nuls ». Le texte, criant d’actualité, nous rapproche plus de l’expression de Barthes : « Le théâtre doit cesser d’être magique pour devenir critique ». Pourtant, la fonction pédagogique de la pièce prend un peu trop le dessus sur la tension dramatique.
© Jean-Christophe Bardot
Directeur des Tréteaux de France depuis 2011, Robin Renucci, après avoir monté « Le Faiseur », incursion de Balzac dans les pratiques boursières, continue son parcours dans le monde de l’argent avec cet Avaleur des années 2000 qui a tout du dé-Faiseur d’entreprises. Xavier Gallais se joue de son ignominie avec une remarquable aisance, et même, quel comble, un certain charme dans sa vulgarité directe et abjecte. Quant au comédien-metteur en scène, Robin Renucci, il conserve toute son aura avec son personnage de narrateur essayant de sauver sa mise dans ce combat souterrain qui tourne au « chacun pour soi ». Dévoré ou dévorant, l’alternative des rôles proposés dans le monde de l’entreprise et du travail nous offre un avenir bien sombre qui nous oblige à nous demander : est-ce vraiment cela que nous voulons ?

 L’avaleur

 

d’après Other People’s money  de Jerry Sterner

mise en scène Robin Renucci

Avec : Nadine Darmon, Marilyne Fontaine, Xavier Gallais, Robin Renucci, Jean-Marie Winling

Adaptation : Evelyne Lowe

Traduction : Laurent Barucq

Scénographie : Samuel Poncet

Maquillage et coiffure : Jean-Bernard Scotto

Lumières : Julie-Lola Lanteri-Cravet

 

Jusqu’au 18 février 2017

 

La Maison des Métallos
94 rue Jean-Pierre Timbaud
75011 Paris

 

www.maisondesmetallos.org