« LE MOCHE », un miroir nécessaire au Théâtre de Belleville

Le Moche de la Cie 15000 cm2 de peau, mise en scène Camille Jouannest © Jean-Michel Turpin

La compagnie 15000 cm2 de peau présente au Théâtre de Belleville une version réussie du « Moche » de Marius Von Mayenburg. Dans une mise en scène minimale et efficace, le ton comique et grinçant de la pièce du dramaturge allemand est parfaitement restitué.

Dans cette comédie noire, Lette (interprété par Hubert Girard), homme simple et ingénieur honnête, apprend qu’il est moche et qu’il l’a toujours été. C’est son patron qui lui annonce et sa femme confirme. Avec cette découverte, le regard qu’il porte sur lui-même et sur les autres est déstabilisé. En tentant de retrouver son identité menacée, il entre alors contre son gré dans une spirale kafkaïenne, dans laquelle les personnages qui l’entourent laissent apparaître toujours plus d’opportunisme et de cruauté.

L’écriture de Marius Von Mayenburg dessine un rythme serré que la mise en scène de Camille Jouannest parvient parfaitement à suivre. Les scènes s’enchaînent sans césure. Les répliques qui concluent une scène amorcent en même temps la suivante. Un large rectangle tracé au gaffer sur le plateau délimite une zone d’action autour de laquelle les personnages qui ne sont pas engagés dans la scène attendent. Les duos ou trios de personnages défilent en vitesse à l’intérieur de ce qui ressemble de plus en plus à un ring. Chaque acteur joue plusieurs personnages et les changements de jeu sont remarquables. La descente aux enfers est effrénée.

Difficile alors de ne pas ressentir la pression croissante qui pèse sur le personnage dans un monde qui lui impose son identité, qui réduit chaque individu à sa fonction (comme le suggère le choix des costumes), et qui change sans cesse. Si le comique de la pièce est certain, la souffrance inconsidérée de Lette, au milieu d’un monde où laideur est discriminée parce que la beauté fait vendre, où l’individu se dissout sous les crocs du conformisme, et où la standardisation est irréversible, fait peur. La pièce invite à rire, mais d’un rire qui a l’amertume de la critique. Le monde du « Moche  » n’est jamais loin du nôtre. L’interprétation très convaincante des acteurs (Hubert Girard, Vincent Breton, Axelle Lerouge, Laurine Villalonga, Jean Frédéric Lemoues) sert le propos. Les personnages sont assez grotesques pour être ridicules, mais assez réalistes pour rester profondément humains et contemporains.

Une création poétique, comique et engagée, précieuse et nécessaire.

lemoche-2 Jean-Michel Turpin
lemoche-3 Jean-Michel Turpin
Le Moche - Mise en scene Camille Jouannest
lemoche-4 Jean-Michel Turpin

Le Moche de la Cie 15000 cm2 de peau, mise en scène Camille Jouannest © Jean-Michel Turpin

Informations pratiques

LE MOCHE Création Festival d’Avignon 2019

Texte
Marius Von Mayenburg

Mise en scène
Camille Jouannest

Avec
Vincent Breton (en alternance avec Jean-Frédéric Lemoues), Hubert Girard, Axelle Lerouge, Laurine Villalonga

Création lumière Ivan Marquez
Production Compagnie 15000 cm2 de peau

Dates
Du 3 au 30 décembre au Théâtre de Belleville, Paris

Durée
1h15

Adresse
Théâtre de Belleville
16 passage Piver
75011 Paris

Informations pratiques

Théâtre de Belleville à Paris
www.theatredebelleville.com

Compagnie 15000 cm2 de peau
www.15000cm2depeau.com