« Lili », d’après Le Désespoir tout blanc de Clarisse Nicoïdski, mise en scène de Daniel Mesguich au Théâtre de l’Épée de Bois

Un article de Paula Gomes

 

De l’ombre à la lumière, Lili une âme pure

 

Assise sur un banc, charlotte sur la tête, Lili rompt le silence, sa voix criarde emplit la pièce plongée dans la pénombre. L’intérieur familier de son enfance est cristallisé par d’immenses toiles d’araignées, à l’image de ses souvenirs empreints d’émotions qu’elle livre naïvement, accompagnée de son double jeune et muet. Sa tête lui fait mal, comme si on tapait à la porte. Et voilà que l’infirmière vient lui faire une piqûre. Lili, l’idiote décrit sa perception singulière du monde en anecdotes, rires, colères et chansons. Tout la fascine, elle n’a pas de filtre et ne sait pas mentir.

La petite dernière veut avoir sa place et l’affection de ses parents, qui les premiers lui intiment silence et isolement, lui faisant sentir qu’elle n’est pas «comme tout le monde» à son grand désespoir. Maladroite, invisible pour certains, elle sent pourtant les choses avec justesse, c’est une visionnaire de coeur. Quel rapport avons-nous avec la normalité ? Quelle place les handicapés, les simples d’esprit ont-ils aujourd’hui ? Déplacer son regard pour faire surgir d’autres possibles, une vie nouvelle et de l’espoir pour le «refoulé» de la société. Un spectacle poétique dont l’héroïne bouleversante de tendresse éclaire les taches sombres de l’ignorance, la peur et l’indifférence et ouvre les voies de la réflexion et de la raison, tout en profondeur.

Daniel Mesguich revient sur l’œuvre de Clarisse Nicoïdski, Le Désespoir tout blanc qu’il a déjà mis en scène par le passé. « Lili », adaptation sensible du roman montre malheureusement encore de nos jours combien la différence dérange, le rôle des proches et le poids de la société dans le cloisonnement de l’individu hors-norme, placé la plupart du temps en institution. Sans porter de jugement, le metteur en scène donne de la voix au personnage Lili, mise au ban de la société et la propulse en avant-scène sur un banc capitonné de velours rouge. Si la bienveillance, l’amour et l’attention lui font défaut, Lili garde cependant une incroyable joie de vivre et ses sentiments sont authentiques. Elle veut simplement qu’on la regarde telle qu’elle est.

Catherine Berriane interprète avec brio l’attachante et sincère Lili, son discours et ses chants sont captivants. Son double discret, sous les traits de Flore Zanni, donne la dimension de ses douleurs et de sa solitude, il la soutient parfois ou sert la narration par ses jeux juvéniles. Éclairées par des lumières délicates, ces deux figures puissantes et fragiles à la fois sont magnifiées. La scénographie impeccable fait surgir l’extraordinaire au détour d’un miroir magique ou d’une présence mystique, vers un voyage imaginaire. De l’intimité de la chambre à l’intérieur d’une église, les espaces sont subtilement dessinés. Sans éluder le destin sombre des faibles, des exclus, ni la férocité de la société contemporaine à leur égard, cette pièce dépoussière les idées reçues et met en lumière celui qui demeure invisible, un message de tolérance et d’espoir.


 Lili 

D’après Le Désespoir tout blanc de Clarisse Nicoïdski

Mise en scène Daniel Mesguich

Avec Catherine Berriane et Flore Zanni

Costumes Dominique Louis
Décor Sarah Gabrielle
Production Miroir et Métaphore – Cie Daniel Mesguich

 

Du 7 Mars au 9 Avril 2017

Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h

 

Durée 1h15

 

Théâtre l’Épée de Bois
La Cartoucherie
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris