« L’INONDATION » « Quand silence et obscurité font un opéra et révèlent sa profonde violence »

L’Inondation, mise en scène Joël Pommerat © DR Stefan Brion
Boris Grappe (l’Homme), Chloé Briot (la Femme), Norma Nahoun (la Jeune Fille), Enguerrand de Hys (le voisin), Yael Raanan-Vandor (la Voisine), enfants de la Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique © DR Stefan Brion

Artiste hétéroclite et expérimental, ayant excellé à travers divers prismes de la mise en scène théâtrale allant des pièces pour enfants comme Cendrillon , Le Petit Chaperon rouge ou dernièrement Pinocchio , à l’expérience théâtrale carcérale à la Maison Centrale d’Arles en 2017 avec Marius ; Joël Pommerat revient, pour la quatrième fois à l’opéra, avec L’Inondation , dans une collaboration avec le compositeur Francesco Filidei. C’est à l’Opéra Comique de Paris que le binôme a choisi de présenter ce spectacle, tiré d’un texte éponyme d’Evgueni Zamiatique, publié en 1929, sous la baguette d’Emilio Pomárico.

Dans L’Inondation, trois familles voisines se croisent et vont voir leurs destinées s’entremêler à cause des vicissitudes de la vie, mais aussi à cause des éléments météorologiques qui vont se déchaîner sur leur univers.

Lorsque le rideau se lève, les projecteurs éclairent timidement une tranche d’immeuble de trois étages dans lequel évoluent ces familles, dans leur quotidien. Très rapidement, le couple du rez-de-chaussée laisse entendre son mal-être à cause de l’absence d’enfant dans leur foyer. Les événements vont se précipiter lorsque le voisin du troisième et dernier étage décède, laissant orpheline une jeune adolescente.

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L’Inondation, mise en scène Joël Pommerat © DR Stefan Brion
1/ Norma Nahoun (la Jeune Fille), Yael Raanan-Vandor (la Voisine), enfants de la Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique, Chloé Briot (la Femme)
2/ Yael Raanan-Vandor (la Voisine), Chloé Briot (la Femme) © DR Stefan Brion
3/ Chloé Briot (la Femme), Boris Grappe (l’Homme)
4/ Boris Grappe (l’Homme), Chloé Briot (la Femme), Enguerrand de Hys (le voisin), Cypriane Gardin (la Jeune fille comédienne)

Le couple du second, famille modèle composée d’un couple et de deux enfants, issus de la Maîtrise populaire de l’Opéra Comique, sera l’intermédiaire qui proposera au couple sans enfant d’héberger la jeune fille pour un certain temps. De provisoire à définitif, le couple choisit de garder et de prendre soin de cette jeune enfant, qui au fil du temps, devient de plus en plus femme. L’Homme du couple, privé trop longtemps d’enfant, donne de l’affection à cette jeune femme, qui fatalement se transforme en amour. Face à cette liaison adultère, la Femme, remarquablement interprétée par Chloé Briot, sera écartée, délaissée, humiliée par ce duo qui ne prendra même plus la peine de cacher son attirance.
La musique sombre de Filidei, les ambiances tamisées voire obscures de Pommerat et les silences participeront à générer une atmosphère étouffante, pesante. Toute la violence transparaîtra dans les non-dits et les jeux des comédiens, tout en retenue. La Femme épuisée, suffoque, se cristallise et la situation ne fera qu’empirer jusqu’au passage à l’acte fatidique, avant l’inondation. Mise en scène et mécanique, Joël Pommerat use de jeux de lumière particulièrement ingénieux pour faire vivre le déluge et ses conséquences aux spectateurs. Accompagnés d’une musique chaotique, les flots de lumière envahissent un rideau noir masquant astucieusement le rez-de-chaussée pour focaliser l’attention sur le second étage, où désormais le jeu scénique se déroule.

Avec l’inondation, en l’absence de la jeune fille, le couple semble se reformer et la vie reprendre ses droits puisque la Femme tombe enceinte. Mais le recul des eaux n’emportera pas tout avec lui. Reste la culpabilité qui ira croissante jusqu’à la naissance de l’enfant, conduisant la Femme à une fin tragique.

Si Pommerat parvient à plonger le spectateur dans une mise en scène semi-réaliste, semi-onirique, avec une jonglerie de lumières qui lui est propre, il est à regretter dans la partition de Filidei, l’absence d’arias ou de grands moments chantés – excepté le délire final de la Femme – qui dénotent du reste et qui perdurent dans les mémoires. Ici, beaucoup de rythmes saccadés, hachés, presque désharmonieux parfois, qui certes servent le texte, mais qui manquent à certains moments de reflets. De même, le personnage du policier qui se veut sobre, sérieux et sévère, au demeurant bien interprété par Guilhem Terrail, manque de crédibilité du fait que la voix choisie soit un contre-ténor, apportant une certaine dichotomie entre les deux formes.

Un opéra sombre, à conseiller avant tout aux connaisseurs du genre, qui souhaitent découvrir une œuvre musicale emprunte de modernité.

1 L'Inondation DR Stefan Brion

L’Inondation>, mise en scène Joël Pommerat © DR Stefan Brion
de bas en haut : Chloé Briot (la Femme), Yael Raanan-Vandor (la Voisine), Enguerrand de Hys (le voisin), enfants de la Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique, Guilhem Terrail (le Narrateur)

Informations pratiques

Auteur(s)
Evgueni Zamiatine

Mise en scène
Joël Pommerat
Direction musicale
Emilio Pomárico

Avec
Chloé Briot, Boris Grappe, Norma Nahoun, Cypriane Gardin, Enguerrand de Hys, Yael Raanan-Vandor, Guilhem Terrail, Vincent Le Texier, des enfants de la Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique

Décors et lumières Eric Soyer
Costumes, maquillages et perruques Isabelle Deffin
Vidéo Renaud Rubiano
Assistant musical Leonhard Garms
Collaborateur artistique Philippe Carbonneaux
Assistante décors Marie Hervé
Chef de chant Thomas Palmer

Orchestre Orchestre Philharmonique de Radio France
Nouvelle production Opéra Comique
Coproduction Angers Nantes Opéra, Opéra de Rennes, Théâtres de la Ville de Luxembourg, Théâtre de Caen, Opéra de Limoges

Dates
Du 27 septembre au 3 octobre 2019, Opéra Comique Paris
15, 16, 18 janvier 2020, Opéra de Rennes
29, 30 janvier, 1er et 2 février 2020, Angers Nantes Opéra

Durée
2h sans entracte

Adresse
Opéra Comique
1, Place Boieldieu
75002 Paris

Informations complémentaires
www.opera-comique.com