« LOCO », du quotidien à l’utopie en passant par le désespoir

Loco Mise en scène Tita Iacobelli et Natacha Belova © Matteo Robert Morales

C’est dans un décor dépouillé, réduit à un lit vétuste, qu’apparaît d’abord le personnage de P., héros tragicomique de Loco. Tout son monde est pourtant déjà dans ce visage de papier triste, creusé, dans cet uniforme maussade, dans cet intérieur d’un autre temps. Dans une libre adaptation du Journal d’un fou de Gogol, Tita Iacobelli et Natacha Belova, de la Cie Belova-Iacobelli, nous transmettent quelque chose de la puissance évocatrice et symboliste de la marionnette. La chambre austère et anxiogène de P. est également la camera obscura d’un récit jalonné d’images oniriques. Si le récit reprend le motif de la descente aux enfers, récurrent dans les histoires traitant de maladie mentale, il le fait sur un ton d’une ambiguïté bienvenue.

Mais ce thème du quotidien contaminé par le merveilleux est annoncé dès l’ouverture : P. y est présenté comme un petit fonctionnaire travaillant pour « le bourgmestre ». Terme peu usité en France, il évoque tout de suite un ailleurs ou un autrefois. De plus, la détermination du texte à ne nommer aucun de ses protagonistes confirme sa volonté de convoquer des figures de contes, connotées et chargées d’intertextualité, plutôt que des personnages de drames à la psychologie particulière.

La mise en scène intègre par ailleurs la manipulation à deux comme un élément de sa dramaturgie : « l’âme fracturée » du schizophrène devient celle d’un être marionnettique tiraillé entre deux corps, qui sont aussi deux entités lui soufflant des idées contradictoires. Les têtes des manipulatrices participent dès lors à la production d’images, dans la mesure où c’est le personnage qui les définit en les écoutant, les attrapant ou les évoquant, dans un jonglage de focalisation très riche.

À la manière de l’Éloge de la folie d’Érasme, le trouble croissant de P. insiste moins sur son éloignement du monde normal que sur la construction du sien propre, qui, s’il inquiète par son étrangeté, ne manque pas de douceur ou de poésie. Le décalage de la folie permet ainsi de rêver d’autres réalités que celle qui prétend écraser toute alternative, et interroge le système individu/société/idéal. Privé de sa capacité de rébellion, dans un rejet postmoderne de la dichotomie révolte/réforme, l’individu peut toujours produire la fracture, et façonner l’utopie. Et qu’importe si le chemin tracé s’avère hasardeux ou erroné : l’essentiel est de garder la porte ouverte.

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Loco Mise en scène Tita Iacobelli et Natacha Belova © Matteo Robert Morales

Informations pratiques

LOCO
12ème Nuit de la Marionnette dans le cadre du
Festival MARTO ! 22ème édition – MARIONNETTES & OBJETS

Mise en scène et dramaturgie
Tita Iacobelli, Natacha Belova

Avec
Tita Iacobelli, Natacha Belova

Scénographie Natacha Belova, Camille Burckel
Constructions marionnettes Natacha Belova, Loïck Nebreda

Dates
12 mars 2022 – Nuit de la Marionnette au Théâtre Jean Arp, Clamart
Du 6 au 17 avril 2022 Théâtre CorpArtes, Santiago (Chili)
27 et 28 août 2022 Castel dei Mondi Festival in Andria (Italie)
Du 7 au 9 septembre 2022 Théâtre Marni, Bruxelles (Belgique)
29 et 30 septembre 2022 Maison de la Culture de Tournai (Belgique)
8 novembre 2022 Centre National de la Marionnette Jéliote, Oloron Sainte-Marie (France)
10 novembre 2022 Théâtre ATP de Dax (France)
18 novembre 2022 Théâtre Antoine Vitez, Ivry (France)
Du 28 novembre au 17 décembre 2022 Théâtre de Poche, Bruxelles (Belgique)

Durée
1h

Adresse
Théâtre Jean Arp

22, rue Paul Vaillant-Couturier
92140 Clamart

Informations complémentaires

Théâtre Jean Arp
www.theatrejeanarp.com

Cie Belova – Iacobelli
www.belova-iacobelli.com

Festival MARTO !
http://www.festivalmarto.com