« MayDay », de Dorothé Zumstein, mise en scène de Julie Duclos, à La Colline.

Un article de Thibault David
 
Burn, Mary Burns

En 1968, Mary Bell, jeune anglaise de 11 ans, est jugée pour le meurtre de deux enfants : elle sortira de prison douze ans plus tard. Fait divers morbide ? Oui, madame. Mais Mayday ne peut se résumer comme un article de tabloïd. C’est surtout une interrogation pertinente, poétique sur l’enfant-criminel et la mémoire, qu’elle soit cathartique ou fantasmée.
© Calypso Baquey

Mary Burns, la Mary Bell de MayDay, est seule sur son canapé lorsque le public s’installe. Elle tricote, fume négligemment.  Derrière elle, une maison en ruine, des morceaux de routes, un coin d’appartement caché en fond.
Mary Burns a la cinquantaine et accepte de donner une interview, des années plus tard, pour apaiser enfin ses vieux démons. C’est le point de départ : seront invoquées tour à tour Mary à dix ans, sa mère, sa grand-mère, non pas pour trouver des raisons à son crime, plus simplement pour tenter de comprendre, sans jugement.
Et la plongée à rebours dans l’imaginaire familial démarre. 
La scénographie en impose. C’est foutraque, déroutant ; des espaces entremêlés qui se contredisent ; c’est la mémoire de Mary Burns, mémoire qui va investir le plateau jusqu’à se perdre ou se trouver. 
C’est cinématographique, beaucoup. Une caméra est présente, pour l’interview, évidemment, mais aussi pour chercher au plus près des tranches de vies lorsque les personnages sont hors plateau (ou presque). L’utilisation est intelligente : un coin de fenêtre se transforme en train ; des films d’époque en Super 8  complètent le direct au plateau ; et le son, très présent, renforce ce côté septième art sans pour autant s’imposer.
Les comédiennes sont d’une justesse remarquable. Très souvent seules sur le plateau, chacune avec une partition finement maîtrisée, toutes éblouissantes (notamment Alix Riemer, Mary à dix ans avec un sourire canaille absolument remarquable, et Marie Matheron, Mary à cinquante ans, d’une simplicité bouleversante).

© Calypso Baquey
Une belle pièce. Mais dans cette symphonie, un bémol seulement : 
Sur cette scène un peu bordélique, un peu grandiloquente, dans cette plongée en mémoire profonde (trois générations dans une seule tête !),  avec cette poésie du texte, poésie quotidienne et pourtant très touchante, on aurait aimé une plus grande prise de risque. 

MayDay
Texte de Dorothé Zumstein
Mise en scène de Julie Duclos
Avec Maëlia Gentil, Vanessa Larré, Marie Matheron, Alix Riemer, Biño Sauitzvy
Scénographie Hélène Jourdan
Lumière Mathilde Chamoux et Jérémie Papin
Musique Krishna Levy
Chorégraphie Biño Sauitzvy
Vidéo Quentin Vigier
Son Quentin Dumay
Costumes Marie-Cécile Viault
Assistanat à la mise en scène Calypso Baquey
 

Du 23 février au 17 mars 2017
 
Durée : 1h45
 
La Colline – théâtre national
15 Rue Malte Brun, 75020 Paris