"[Mimos IN| THE BEST THING" Le masque des illusions

Année 1966, Susan cheveux bouclés, mini-jupe est une adolescente insouciante de dix-sept ans au cœur d’une Angleterre libérée, enfin peut-être pas tant que ça… Dans l’antre de sa chambre, cette accro de la mode écoute de la musique à tue-tête sur son tourne-disque et rêve tout éveillée. La jeune fille amoureuse adore faire la fête avec ses amis et retrouve dès qu’elle le peut son petit-ami au grand dam de son père. Un événement inattendu va bouleverser sa vie : Susan tombe enceinte. Jeune mère célibataire, elle va à l’encontre de l’ordre moral d’une Angleterre puritaine et le poids de la famille et de l’entourage désapprobateur lui intimeront comme seul choix et « la meilleure chose » pour elle : l’abandon du bébé pour une « meilleure vie » ! Dix-huit ans plus tard, Sarah sa fille la recherche. Les temps ont changé et les mentalités aussi…

La compagnie britannique Vamos Theatre, présente pour la première fois en France entraîne le public dans un univers sans parole à la belle esthétique. Fondée en 2006 et dirigée par Rachael Savage, Vamos Theatre joue un rôle majeur dans la diffusion du théâtre de masques à travers le pays (écoles, établissements de santé, foyers, festivals). Ses créations engagées, s’inspirent d’histoires réelles traitant de problèmes de société : stress post-traumatique des soldats « Brave Face », démences des personnes âgées « Sharing Joy » et ici un chapitre honteux de l’histoire britannique : les abandons d’enfants dans les années 60 « The Best Thing » (la meilleure chose). Recouvrant tout le visage, les masques expressifs de Russel Dean intriguent, puis peu à peu l’histoire douce-amère et ses protagonistes attachants nous pénètrent d’émotions. Une kyrielle de personnages dans des espaces sans cesse redessinés, cette équipe de seulement quatre comédiens a de l’énergie à revendre et bien du talent. Interprétations justes, mouvements épurés ou chorégraphiés, ils endossent indifféremment les rôles de femmes et d’hommes en un temps record : dix-sept masques et des changements de tenue en 46 secondes ! La présence forte à travers le masque laisse transparaître les sentiments et les malaises entre les personnages, tout cela sans un mot. Un spectacle bouleversant et drôle à découvrir !

« The Best Thing », dernière création 2016 de Vamos Theatre, joue sa première française au Festival MIMOS. Dans une période euphorique les « Swinging Sixties », la décennie marquée en Angleterre par la révolution culturelle et sexuelle et la libération de la femme, tranche avec la réalité qu’on vécut plus de 16 000 jeunes mères célibataires contraintes par les pressions sociales, économiques et religieuses de laisser leur enfant à l’orphelinat ou à des familles d’adoption. L’avortement n’était alors pas autorisé. La mise en scène de Rachael Savage exprime, avec une profusion d’images et de situations, les contrastes de cette époque et les répercussions laissées par les choix consentis ou non, bien des années après. La première partie de la pièce très dynamique exhale joies et liberté : musiques et tenues radicales, chansons, soirées, scènes burlesques, premier rapport sexuel derrière l’écran. Puis le rythme s’essouffle un peu et l’histoire défile très vite. La réalité apparaît fracassante et austère : enfant retiré à la mère, solitudes et cœurs brisés, le temps qui passe et l’impact psychologique. La dramaturgie est portée par ce secret dévoilé, la séparation et toutes les conséquences qui en résultent. Mais ici point de jugement, l’histoire suit son cours avec ses souvenirs et ses allers-retours dans le temps. Les dialogues internes des personnages sont puissants et s’harmonisent parfaitement avec la création musicale de Janie Armour. Pour cette 35ème édition du Festival MIMOS, cette véritable performance d’acteurs a fait beaucoup parler d’elle à l’Odyssée. Le théâtre visuel et ces masques originaux suscitent une certaine empathie des spectateurs et favorisent la compréhension de notre monde, vers une certaine forme d’engagement.

Informations pratiques

Conception et Mise en scène
Rachael Savage