« MON GRAND-PÈRE, CE ROBOT » Comment ne pas perdre ceux qu’on aime 

Mon grand-père, ce robot de Sabine Revillet aux Éditions Théâtrales Jeunesse

Une pièce pour enfants, mais pas que, puisque son ambition est de traiter le problème de la perte d’un être aimé. Toute personne confrontée à la disparition affronte ce mur de l’irrémédiable : comment ne pas perdre celui qui est parti pour toujours ?
Les enfants, qui sont à la fois plus ignorants et plus inventifs, trouvent souvent des chemins originaux pour surmonter leur chagrin. Angie, fillette de neuf ans, s’est déjà préoccupée de ce sujet avant même la mort de son grand-père (Jacques) :
-Où vas-tu aller quand tu seras mort ?
-À l’hôtel. (…) sauf si je me réincarne. Papillon, chat, ver de terre, baleine…

D’entrée de jeu, on est dans le monde ambigu de l’enfance : on ne se verra plus, dit-elle, elle sait donc ce qu’est la mort. Mais la fantasmagorie proposée par Jacques, le grand-père est puissante et fantaisiste. Angie va s’y accrocher pour ne pas sombrer. Mais sa mère (la fille de Jacques) a besoin, elle aussi de rêver une suite, de prolonger la vie de ce père aimé. Elle inonde Facebook de messages de deuil pour y solliciter des « likes » de compassion, jusqu’au jour où elle décide d’acheter un robot à l’image du défunt. Pour consoler Angie, dit-elle.

Et c’est la présence de ce substitut qui permet de poser les bonnes questions. Revivre l’annonce de l’événement par Jeremy, le « grand » de douze ans, se remémorer le lent déclin du vieillard : perte de mémoire, petites manies comme placer dans ses poches des chips qui donnaient à ses vêtements une odeur particulière, entrant en compétition avec celle de l’eau de Cologne, mais surtout, surtout, évoquer son habileté au jeu du « ni oui, ni non ». Tous ces moments sont pleins de tendresse, même la veillée mortuaire, même quand chacun des membres de la famille exprime son chagrin dans un bref monologue qui n’est pas forcément triste. C’est ainsi, bien sûr, que le mort reste encore un peu envie.

Mais Angie veut plus et lorsqu’un chat errant élit domicile dans la maison, elle l’accueille comme la réincarnation de Jacques, alors que son père, allergique aux poils de chat, proteste vigoureusement. Le père, c’est Damien. Il est un peu moins touché par la disparition de son beau-père, même s’il n’évoque aucune animosité. Il est agacé par sa femme, mais finit par accepter le robot pour que disparaisse le chat. Jacques le grand-père devient Jacques le robot, dévoué serviteur, en fait, mais qui ne sait pas jouer au « ni oui, ni non » Il a beau apprendre chaque jour à ressembler davantage à l’autre Jacques. Jamais il ne le remplacera. La présence de ce Jacques le Robot révèle les caractères et les failles relationnelles. Mais voilà : le robot lui-même finira par vieillir et la question reviendra de savoir comment surmonter l’événement de la disparition. Réparer ou accepter ? La métaphore est claire, mais sans lourdeur car chaque acteur de ce drame singulier reste une personne aimante et généreuse. Un dernier subterfuge résoudra le problème : la rencontre de Jacques le Robot avec Jacques le Fantôme est un moment absolument savoureux.

Mon grand-père, ce robot est une pièce formidable ; où la tendresse apparaît comme la seule solution face à l’adversité. Il est à souhaiter que des artistes s’en emparent et la portent sur une scène.

Informations pratiques

Auteur(s)
Sabine Revillet

Prix
8 euros

Éditions Théâtrales
http://www.editionstheatrales.fr