« Splendid’s », de Jean Genet, mise en scène d’Arthur Nauzyciel, Théâtre de la Colline »

Article de Pierre-Alexandre Culo

Et l’on déracina les fleurs du Splendid’s.

Au septième étage de cet hôtel tout droit sorti d’un film noir américain, les sept gangsters rêvés par Jean Genet peinent à réaliser leur danse macabre et érotique entre les mains d’Arthur Nauzyciel. Si le metteur en scène dévoile une tendresse évidente pour l’œuvre posthume de Genet, les choix tranchés de l’artiste assagissent ces truands suant la testostérone en minets qui peinent à sortir les griffes.

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© Arthur Nauzyciel

De ses pièces à ses romans, l’ombre de Genet n’est jamais loin. À travers les fantasmes à répétition de ces figures criminelles, le dramaturge fait émaner de ses mots tranchants le parfum de ses crimes et de sa morale subversive. Il a eu ce génie unique de créer des héros d’une virilité sensuelle, lourde mais aussi délicate que les fleurs dont il parlait tant. Arthur Nauzyciel joue et se faufile dans cette ombre de l’auteur en projetant le seul court métrage de l’artiste : « Un chant d’amour ».

Le parallèle entre ce court métrage, qui s’immisce dans le monde érotique et pornographique du milieu carcéral à travers les yeux d’un maton, et la pièce est évident mais dangereux. Chaque geste, expression, des comédiens épatants de cette troupe américaine provoquent des réminiscences de ces images rêvées et créées par Genet. Le passé s’infiltre et jaillit de la scène avec une tendresse et une sincère admiration qui est largement saluable. Pourtant les faiblesses d’un jeu monotone, injustement mélancolique et dénué de la dangerosité sexuelle de ces hommes en attente de la mort, ces faiblesses n’ont pas les épaules assez robustes pour soutenir le choc de la comparaison. Les fantasmes puissants de Genet qui transpirent de ce Chant d’Amour auraient dû transparaître dans ces corps dénudés par Arthur Nauzyciel et mettre le public à genoux et faire craquer tous ces pantalons.

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© Arthur Nauzyciel

Peut être est-ce également dû à la traduction en anglais de ces mots et de cette poésie si particulière… S’il est vrai que cette mise à distance permet d’atteindre une certaine idée de ce texte, il nous éloigne bien loin de sa nature.

Arthur Nauzyciel a trouvé la beauté de ces fleurs libidineuses sans malheureusement s’occuper des imposantes racines qui les composaient.

 

 

Splendid’s

de Jean Genet

traduction anglais Neil Bartlett

mise en scène Arthur Nauzyciel

avec Jared Craig, Xavier Gallais, Ismail Ibn Conner, Rudy Mungaray, Daniel Pettrow, Timothy Sekk, Neil Patrick Stewart, James Waterson, Michael Laurence,

et la voix de Jeanne Moreau.

 

Du 17 au 26 mars 2016

 

Théâtre de la Colline

15 rue Malte Brun 75020 Paris

www.colline.fr