« JE SUIS UN PAYS et VOILÀ CE QUE JAMAIS JE NE TE DIRAI  »  Le retour éclatant de Vincent Macaigne 

Vincent Macaigne investit pleinement le théâtre des Amandiers avec la fougue et l’urgence qu’on lui connait. Je suis un pays est une projection apocalyptique de notre humanité, un épanouissement terrifiant et acide des racines de nos politiques mondiales actuelles. Après la reprise de L’idiot, le metteur en scène revient avec un projet ambitieux de pièces imbriquées où les spectateurs de la forme courte Voilà ce que jamais je ne te dirai investissent le plateau de Je suis un pays. Une expérience immersive qui éclate et déploie la perception d’une création déjà forte et bouleversante. Son regard sur le monde, tendre et cruel, à la fois sombre de pessimisme et éclatant de vitalité, ce regard plein d’espoir et d’amour inconditionnel nous avait terriblement manqué.



Roundup, Monsanto et autres multinationales sont arrivées au bout du sacrifice de l’humanité au nom du profit et du capitalisme. La catastrophe était imminente. Nous avions « rendez-vous avec le désastre » comme le dira l’un des personnages de cette nouvelle humanité sans repère. Les enfants naissent malformé.e.s, leurs corps sont sacrifiés pour sauver ceux des ancien.nes. Entre le vieux et le nouveau monde se tiennent deux enfants sains. Un frère et une sœur placé.e.s, malgré eux, au centre d’une prophétie qui les dévorera. Pauline est violée par les anges, portant ainsi l’enfant qui sauvera l’humanité. De ce tableau futuriste où le mysticisme religieux fornique avec la science-fiction, la fracture idéologique entre le frère et la sœur semble irréversible. Elle cachera l’enfant et s’investit dans la rébellion active, pendant que lui prend la tête du pouvoir décisionnel comme conseiller du roi immortel.

La langue de ce spectacle de plus de trois heures est dense, intense et se déploie avec l’urgence de saisir un avenir encore incertain. Le texte de Vincent Macaigne est d’une beauté aussi magistrale que sincère. Il dépeint avec une justesse acerbe l’état de notre monde en décomposition et convoque les véritables questionnements d’une génération dévorante d’espoir. Les institutions aliènent par le divertissement à outrance et la quête incessante de pouvoir. Pour gouverner qui ? Pour gouverner quoi ? Vincent Macaigne crée un espace de fête, de défoulement où chacun.e se vautre avec plaisir dans la boue avec laquelle le capitalisme et le libéralisme nous ensevelissent. Sans surprise, les comédien.nes hurlent continuellement mais, malgré la noirceur du propos, c’est un cri d’amour qui résonne en dehors des murs du théâtre.

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© Mathilda Olmi



La mise en scène est encore une fois foisonnante et hystérique. Si ces moyens ont pu apparaître, comme dans son interprétation d’Hamlet, Au moins j’aurais laissé un beau cadavre, quelque peu racoleurs, tout est nécessaire dans Je suis un pays. Vincent Macaigne retrouve la nécessité citoyenne du théâtre: se rassembler, échanger, se délivrer, s’enivrer.

Être ici, libre et vivant.

 

Informations pratiques

Auteur(s)
Vincent Macaigne

Mise en scène
Vincent Macaigne

Avec
Sharif Andoura, Thomas Blanchard, Candice Bouchet, Thibault Evrard, Pauline Lorillard, Hedi Zada
et les enfants en alternance : Madeleine Andoura, Lila Poulet, Nina Béros

Dates
Du 25 novembre au 8 décembre 2017

Durée
3h35

Adresse
Théâtre Nanterre Amandiers
7 avenue Pablo Picasso
92022 Nanterre

Informations et dates de tournée

Du 31 mai au 17 juin 2018 au Théâtre de la Colline, Paris

http://www.nanterre-amandiers.com