« LES TROIS SŒURS »  ‘Trois sœurs’ au fond du trou. Non, notre génération n’a rien à voir avec cela.

Le phénomène ‘Simon Stone’ est revenu sur Paris, posant ses bagages au théâtre de l’Odéon avec sa première mise en scène avec des acteurs français, dans une adaptation quelque peu tape à l’œil des Trois sœurs de Tchekhov. A l’instar des séries américaines, cette création séduit et se consomme avec une passivité plaisante. Un talent de rythme et d’attraction que l’on ne peut que saluer, si la transposition contemporaine du texte de Tchekhov ne faisait pas apparaître une vision excessivement désenchantée et si caricaturale de notre génération.

Après Medea d’après Euripide, Huis clos d’après Ibsen, c’est l’univers du dramaturge russe qui passe entre les mains de la magie Simone Stone. Mais contrairement à ce que l’on aurait pu penser jusque là, tout ce qu’il touche n’est pas forcément d’or. Des Trois sœurs, le metteur en scène n’en conserve que la structure et l’identité dramaturgique pour la remodeler dans un contexte au plus proche de nos problématiques contemporaines, sociales, politiques et humaines. « Tchekhov fait commencer toutes ses pièces en indiquant qu’elles se déroulent dans le temps présent, et à cet égard je le prends au mot. ». Comme l’écriture de Tchekhov, Simon Stone réécrit un spectacle du quotidien où les paroles se coupent, se chevauchent, se taisent. Il ne reste à voir pour le spectateur que la vie qui se déroule, des hommes et femmes en interactions qui tentent de vivre ensemble dans un monde qui les dépasse.

Après la mort de leur père, Olga, Irina et Macha retournent dans la maison de vacance familiale pour disperser les cendres. La maison sent le rat, la mort est partout dans cette résidence écartée d’un monde anxieusement en marche. Chaque acte est un retour vers la maison, à la période des vacances où chacun.e peut se permettre de faire le bilan et prendre du recul sur sa propre vie. Ici, il n’est plus question d’hurler, avec espoir, cette nécessité de partir à Moscou pour inventer ce qu’il reste à faire. Dans cette maison bourgeoise aux immenses baies vitrées, le chemin de chacun.e est inverse, se demandant ce qu’il a fait avant de se d’imaginer vers où ils et elles vont. S’ils et elles ne font juste que se le demander, c’est qu’ils et elles préfèrent ne pas trop réfléchir pour profiter de l’instant présent dans une ambiance de fête, drogue et alcool.

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© Thierry Depagne

A partir de ce terreau dramaturgique d’une véritable justesse, Simon Stone dépeint avec un regard anthropologique, à la même manière de Tchekhov, une génération mélancolique et désespérée. Malgré quelques digressions enivrées, de chansons pop chantées en groupe autour du piano, notre génération est tout simplement amputée de tout espoir. Le monde peut être en déclin, l’intolérance et la folie aux rennes de certaines forces mondiales, la haine et la barbarie qui se propagent, mais l’espoir, la volonté de changer les choses et la soif de vivre est encore là, justement dans ces huit-clos personnels. Olga clôt la pièce avec ces mots, en boucle, « Ca ira mieux », mots auxquels elle n’y croit pas une seule seconde, pleine de désespoir et d’amertume. Avec toutes nos excuses, mais cette Olga ne représente en rien notre génération.

 

Informations pratiques

Auteur(s)
D’après Les Trois Sœurs d’Anton Tchekhov
Adaptation de Simon Stone

Mise en scène
Simon Stone

Avec
Jean-Baptiste Anoumon, Assaad Bouab, Éric Caravaca, Amira Casar, Servane Ducorps, Eloïse Mignon, Laurent Papot, Frédéric Pierrot, Céline Sallette, Assane Timbo, Thibault Vinçon

Dates
Du 10 novembre au 22 décembre 2017

Durée
2h35 (avec entracte)

Adresse
Théâtre de l’Odéon
Place de l’Odéon
75006 Paris


Informations et dates de tournée
http://www.theatre-odeon.eu/fr