« Vertiges», de Nasser Djemaï au Théâtre des Quartiers d'Ivry

Un article de Marianne Griffon

« Le vertige du lundi. »

Premier jour de la semaine, fin du week-end, fin de la trêve de Dieu.
La spirale incessante du temps se répète et se répète jusqu’à la rupture définitive de son cycle, de l’écoulement des heures, des minutes, des secondes accordées à chacun.
Et c’est bien ce cycle que raconte Vertiges de Nasser Djemaï à travers une fable familiale où le passé et le présent se rencontrent dans un appartement situé dans l’une de ces grandes tours de cité, et que l’on devine à un étage élevé, au vu de l’importance de l’ascenseur dans les échanges dialogués et qui est pourtant toujours en panne.
L’histoire d’une famille prise entre deux eaux, ou plutôt entre deux continents, entre là-bas et ici, entre le passé et le présent.
Une histoire de famille immigrée, il y a de cela déjà bien longtemps et dont les trois enfants ne connaissent que le ici.
Une famille coupée en deux, entre deux générations, deux rêves, deux espoirs.
Une famille coupée en deux mais qui s’aime pourtant, malgré les secrets, les peurs et les incompréhensions.
Comment se construire dans l’entre-deux ? Rester ou partir ? Partir et revenir. Revenir peut-être un peu plus perdu, un peu plus désabusé. C’est ce qu’a traversé notre héros, Nadir. Quitté par sa femme, il revient au bercail. Coincé entre deux temps, entre deux vies, il tente par tous les moyens de maintenir l’ordre qu’il a tant bien que mal réussi à mettre en place dans sa vie. Mais les vases du salon de l’appartement familial sont trop pleins et ne peuv
ent que déborder. Trop pleins de souvenirs bafoués, d’attentes inavouées, d’espoirs d’une vie meilleure inatteignables.
C’est finalement sous quatre seaux d’eau, entouré de sa famille, qu’il rendra hommage à son défunt père. Ce devait être un dimanche. Rituel renouvelé, personnel, qui ouvrira peut-être la porte à un autre lundi, un autre possible, un autre vivre ensemble ?

Nasser Djemaï signe ici une fresque familiale contemporaine, empreinte d’une tragédie en négatif.
Vertiges nous invite à pénétrer dans l’un de ces appartements, l’une de ces familles, où le vertige nous prend jusqu’à la rupture fatale.