« Ceux qui naissaient », conception et mise en scène de Marianne Griffon et Camille Mouterde, au Théâtre de la Reine Blanche

Article de Marianne Guernet-Mouton
Entre Théâtre et Science, pas de gène à avoir 
Au Théâtre de la Reine Blanche, la compagnie Le Cri du Lombric présente Ceux qui naissaient  alors qu’on les découvrait en avril dernier à la Loge à l’occasion du premier volet de leur spectacle, qui interrogeait déjà la procréation, la naissance et plus encore : la génétique. Sur la lancée d’un premier spectacle qui nous avait marqués, ils signent une création techniquement remarquable et parviennent intelligemment à donner corps à la Science, et à ce que les dernières lois ou avancées génétiques nous apprennent de l’avenir de l’être humain.
En France, depuis les années 90 les lois de bioéthique façonnent l’humain, devenu une espèce à laquelle nul ne peut porter atteinte. Mais dans les faits, que faut-il comprendre ? À l’heure où l’on entend souvent parler de PMA, GPA, dons de sperme, d’ovocytes ou de naissances extraordinaires rendues possibles par la science, le débat ouvert par la troupe dirigée par Marianne Griffon et Camille Mouterde sur les recherches en génétique ne peut que nous saisir tant l’actualité, sur ces questions dont le théâtre ne s’empare presque jamais, est vive.
Dès lors que l’on entre dans le théâtre, on nous souhaite la bienvenue dans « l’Institut » en nous priant de porter des sur-chaussures, premier pas vers la salle devenue un lieu aseptisé. Le plateau est circulaire, on retrouve une esthétique de laboratoire, des néons et des tissus blancs. Contorsionnés tels des cellules, les comédiens jouent la division cellulaire et avec humour, traitent de sujets graves, comme le rêve, pour tous les parents, d’avoir un enfant aux yeux bleus et aux petites oreilles : les options de base d’un forfait de naissance médicalement assistée qui abolirait tout risque de maladie. Des cellules discutant entre elles de leur famille à la scène finale, des familles assises dans le public comme dans une salle d’attente pour choisir son forfait, la boucle se boucle. On assiste aux promesses de la science en génétique et à des prouesses qui finissent par dégénérer l’être humain. Pour aller plus loin et avoir un enfant qui vivra 208 ans, les parents encourent des risques, si bien que la tournure que prennent les discussions oscille entre un effet de réalité dû au vocabulaire scientifique employé, et un effet de pure fiction étant donné l’incongruité des situations.
Du début à la fin, les comédiens sont accompagnés par une composition sonore soignée recréant des ambiances étonnantes et futuristes, renforcées par les costumes de la troupe, comme tout droit sortis du 5ème Élément. Entre moments de poésie, de danse et discours scientifiques, un rythme s’installe. Si l’atmosphère du début nous pèse, notamment en raison de l’éclairage aux néons, et met du temps à décoller, le spectacle gagne toujours en épaisseur et en réflexion.
Ceux qui naissaient  est à la fois un objet de réflexion détourné du pur discours scientifique inaudible pour le plus grand nombre, et un tableau surréaliste qui évoque ce que pourrait proposer le théâtre pour parler de science et la sortir des bouches et des laboratoires des universitaires ou des scientifiques eux-mêmes.

Ceux qui naissaient 

Conception et mise en scène Marianne Griffon et Camille Mouterde 

Dramaturgie Le Cri du Lombric 

Textes Lucie Vérot et La Littanie du retournement du corps de Jacques Rebotier 

Avec Pierre-Alexandre Culo, Thibault David, Irène Le Goué, Camille Mouterde 

Jusqu’au 5 février 

Théâtre de la Reine Blanche
2bis Passage Ruelle
75018 Paris

http://www.reineblanche.com