« La solitude d’un acteur de peep-show avant son entrée en scène », texte et interprétation Paul Van Mulder à la Maison des Métallos

Article de Bruno Deslot

Ainsi va la vie !

Une chaise, une ampoule à hauteur d’homme, un plateau quasi-nu, le ton est donné. Un homme, d’une banalité sans nom, investit la scène pour livrer des propos, en apparence d’une extrême platitude. Il additionne les petits boulots selon une logique qui ne répond à rien et encore moins à celle d’une ascension sociale valorisante et salvatrice.

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© Joanna Van Mulder

Habillé chaudement, il réalise des enquêtes dans la rue, croise des gens tout en enchaînant un discours sans cesse renouvelé à des anonymes qui ne le connaissent ni ne le reconnaissent d’ailleurs. Jusqu’au jour où un homme lui propose d’être acteur de peep-show. La stupéfaction est totale mais l’accord est passé et l’enquêteur, emmitouflé dans la rue, se retrouve nu dans une cabine à baiser des femmes pour le plaisir des autres. Mais où est le sien ? Où se trouve son plaisir personnel, celui de l’intime, de l’être, du devenir ?

À mesure qu’il raconte son ouvrage dans ce lieu sexué, un sentiment d’enfermement se dégage de ses propres paroles. L’étau se resserre ! La parole engage. On pressent une urgence à dire, muselée par un quotidien répétitif dans lequel l’acteur de peep-show s’oublie. Il ne cherche pas à s’étourdir mais fonctionne dans un système qui ne lui accorde aucune reconnaissance. Des rêves, il en a : cette parcelle de jardin s’ouvrant sur un lointain mais se refermant aussitôt entre les vitres du peep-show, le retenant prisonnier d’un job pour lequel il s’est mis entre parenthèses, comme les autres d’ailleurs ! Il ne s’autorise pas à exister, à prendre soin de lui, à se faire du bien.

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© Joanna Van Mulder

D’une simplicité extrême, en apparence, le texte est d’une puissante poésie mettant en perspective tout le mal-être d’un homme qui vit, ou plutôt survit, en s’accommodant d’une existence non choisie. Des réminiscences de St Exupéry et de Koltès bercent et bouleversent le spectateur suspendu aux lèvres de cet homme dont la parole qu’il libère possède une dimension universelle. La force de cette proposition repose sur une scénographie très épurée, une interprétation d’exception et un texte puissant car il atteint sa cible à chaque enchaînement. L’ensemble relève de la suggestion. Toujours sur le fil, vacillant, comme cette ampoule incarnant le peep-show, Paul Van Mulder guide son public et joue avec comme un véritable chef d’orchestre. La partition est sans fausses notes et retentit presque comme un air de Wagner. La réussite est totale et ce spectacle, aussi généreux que déstabilisant, est un cadeau du ciel, une ode à la vie.

 

 

La solitude d’un acteur de peep-show avant son entrée en scène
Texte et interprétation Paul Van Mulder (éditions Maelström)

Du 15 au 20 mars 2016

Maison des Métallos
94 rue Jean-Pierre Timbaud
75011 Paris
http://www.maisondesmetallos.org/prehome