[Avignon IN] "GAHUGU GATO (PETIT PAYS)", oeuvre des porteurs de l'Histoire du génocide rwandais, des voix engagées pour le vivre ensemble

Gahugu Gato (Petit Pays), mise en scène , Dida Nibagwire et Frédéric Fisbach © Christophe Raynaud de Lage

Cette 79^ème édition du Festival d’Avignon est tournée vers le « Être ensemble » et la Transmission selon le souhait de son directeur Tiago Rodrigues. Pour la première fois depuis 25 ans, le Festival IN et le Festival OFF (5^ème édition) se déroulent sur la même période, du 5 au 26 juillet 2025. La première fois également qu’une langue extra-européenne est célébrée : la langue invitée « l’arabe » avec sa grande diversité de dialectes en fonction de ses régions et sa richesse culturelle. Au programme des artistes renommés ou émergents : 43 spectacles et 21 pays représentés, des créatrices et des créateurs attachés à leur territoire qui confrontent leur vision du monde. À travers 300 représentations, des débats et des rencontres, ce sont autant de moments de partage et d’occasions de parler du monde.

Gahugu Gato signifie Petit Pays en kinyarwanda, langue nationale au Rwanda que font entendre les artistes de ce spectacle éponyme adapté du premier roman de Gaël Faye, auteur-compositeur-interprète. L’ouvrage publié en 2016 a donné lieu à un film sorti en 2020. La fiction en partie autobiographique retrace l’enfance heureuse de Gaby âgé de 10 ans, né d’un père français et d’une mère rwandaise exilée au Burundi. La séparation de ses parents en 1993 vient coïncider avec le début de la guerre civile dans la région des Grands Lacs en Afrique centrale où le Burundi et le Rwanda se font face. Une histoire dans la Grande Histoire qui raconte l’indicible. Alors que sa famille vole en éclats, le massacre d’une ethnie les Tutsi au Rwanda, fomenté depuis des décennies par une haine fratricide des Hutu, est mis à exécution par ces derniers, nourrie par une politique coloniale qui a projeté les premiers comme étant d’une classe supérieure. De ses yeux d’enfant, Gaby observe les conflits incessants et absurdes qui viennent bouleverser son insouciance et sa quiétude : « Pourquoi se font-ils la guerre? Parce qu’ils n’ont pas le même nez ». Une extermination de masse sur un même territoire, un chapitre de l’histoire contemporaine lourd à porter et des questionnements sur l’inaction au niveau international. Comment se (re)construire sur cette base commune ?

Touchés par cette histoire brûlante, Dida Nibagwire et Frédéric Fisbach co-mettent en scène cette création conçue pour être jouée à l’extérieur qui débuta en juin 2024 à Kigali puis dans les collines rwandaises où se déroula le génocide des Tutsi en avril 1994 (près d’un million de victimes en 100 jours). Trente ans après et dans un désir de coller au plus près à la vérité du récit, ce vibrant témoignage de la mémoire des peuples du Burundi et du Rwanda est porté par des comédiennes et comédiens des deux pays, venus jusqu’en Avignon, unir leur voix, leurs danses et leurs chants pour dénoncer le massacre d’une minorité par les extrêmistes Hutu au pouvoir au Rwanda, fondé sur une idéologie ethno-raciale instaurée par les colonisateurs. Une période sombre liée à l’histoire de France, à une responsabilité française alors que l’opération militaire « Turquoise » intervenue tardivement a fait encore polémique. Ils sont aussi des messagers qui à travers leurs récits, leurs résiliences, nous invitent à vivre ensemble et partager.

Gahugu Gato (Petit Pays), mise en scène , Dida Nibagwire et Frédéric Fisbach © Christophe Raynaud de Lage

Nuit douce sous les platanes du Cloître des Célestins, trois griots font monter leur voix au son de leur instrument (flûte, guitare et inanga). Au fur et à mesure, les neuf autres protagonistes de cette histoire entrent sur la scène épurée, en costumes traditionnels colorés et pieds nus comme conviés à une veillée au village. Une célébration festive avec le 11^ème anniversaire de Gaby. Ils esquissent des pas de danse, chantent et rient tel le jeune Gaby en tee-shirt jaune et short reconnaissable par sa candeur et ses élans d’adolescent. La douceur des éclairages sur leurs visages et sur leurs tenues forment des tableaux familiaux, intimistes avec une certaine authenticité. Sur les chaises espacées sur scène, les comédiens rwandais et burundais livrent leurs témoignages face public avec de vives émotions. La légèreté et les images de cartes postales qui reflètent la vie paisible de Gaby vont être happées par la puissance des mots et la réalité d’un quotidien où se livrent d’âpres combats. La parole diffuse se resserre à mesure sur le noyau familial en esquissant quelques scènes de vie : le frère et la soeur, le père français incarné par Frédéric Fisbach et le danger menaçant pour la mère exilée de l’ethnie Tutsi.

Le passé pesant d’un génocide et des responsabilités est là omniprésent dans les récits, les mots percutants portés à bout de bras en étendard du plateau, au couloir du cloître et traverse les gradins où se trouve le public. La mémoire ravivée en langue d’origine, l’unité des artistes et leur présence scénique forte sont des moments de partage et de résilience. La proposition enjoint à réfléchir dans un contexte actuel difficile. La poésie et la beauté des représentations apportent de la légèreté et adoucissent le propos, en ouvrant de nouvelles voies à la communauté pour se reconstruire et avancer ensemble.

Gahugu Gato (Petit Pays), mise en scène , Dida Nibagwire et Frédéric Fisbach © Christophe Raynaud de Lage

Informations pratiques

GAHUGU GATO (PETIT PAYS) – Création 2024
Festival IN d’Avignon du 5 au 26 juillet 2025

Texte
Gaël Faye
Traduction Emmanuel Munyarukumbunzi
Basée sur l’adaptation française de Samuel Gallet

Mise en scène
Frédéric Fisbach et Dida Nibagwire

Avec
Frédéric Fisbach, Olivier Hakizimana, Léon Mandali, Carine Maniraguha, Philipe Mirasano,
Natacha Muziramakenga, Dida Nibagwire,
Norbert Regero, Michael Sengazi et
Jean-Patient Akayezu (inanga, flûte et chant), Kaya Byinshii (chant), Samuel Kamanzi (guitare et chant)
Avec la complicité de Gaël Faye
Lumière Eloé Level
Costumes Asantii, House of Tayo, Moshions
Surtitrage Patience Umutoni
Régie généraleEloé Level
Régie son Foucault de Malet
Production L’Ensemble Atopique II (Cannes) et L’Espace (Kigali)

Durée
1h45

Dates
Du 17 au 22 juillet 2025 à 22h au cloître des Célestins dans le cadre du Festival d’Avignon, Avignon
Du 18 au 20 mai 2026 au MIXT – Terrain d’arts en Loire-Atlantique, Nantes
2027 (dates à venir) au Théâtre National Wallonie-Bruxelles (Belgique)