« 1993 »  Julien Gosselin ne maîtrise pas toutes les Particules 

Après le reprise des Particules Élémentaires au théâtre de l’Odéon, Julien Gosselin s’est imposé comme une référence de mise en scène et poursuit cette saison avec 1993. Il crée pour le groupe 43 de l’école du Théâtre National de Strasbourg un spectacle réflexif et dense sur l’héritage européen depuis la chute du mur de Berlin. Malgré une réflexion vertigineuse qui ne laisse pas indifférent, Aurélien Bellanger offre un texte indigeste que la mise en scène audacieuse et facilement séduisante de Simon Gosselin peine à soutenir.

1993 est l’année de la mise en place de la continuité d’un rêve européen nommé le tunnel sous la Manche. De cette utopie s’affranchissant des frontières naîtra un enfer humaniste dans la terre de Calais, que le monde appellera La Jungle. Une année plus tard, ce sera au tour d’un autre tunnel de s’étendre sous le sol européen: l’accélérateur de particule du Cern. Aurélien Bellanger tente de délivrer une réinvention, un déploiement de La Fin de l’Histoire du politologue américain Fukuyama. Selon cet essai de 1992, les pays de l’Europe à la sortie de la Guerre Froide ont trouvé la finitude de leur Histoire dans l’éclatement de leur système libérale et démocratique. De cet écrit, Aurélien Bellanger développe une vision passionnante et glaçante du rêve européen et des réalités. Entre 1989 et 2018, la pensée se dilate dans le temps et percute par sa portée historique, actuelle et futuriste. Malheureusement, la trop grande densité du texte nous fait courir à la vitesse de la lumière à la poursuite d’un fil rouge que l’on finit par abandonner. Simon Gosselin place cette course folle dans une scénographie lumineuse sidérante et même sidérale, une installation de néons qui place le spectateur au coeur d’un trou noir ou dans ce fameux accélérateur de particule. Malgré une incroyable justesse, le procédé scénographique ne se renouvèle pas, s’épuise et ne tient pas non plus la distance. Cette première partie souffre de son trop plein littéraire, scénographique et sonore au sein duquel les jeunes comédiens peinent à exister.

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Le deuxième temps de 1993 se déplace dans une soirée Erasmus où l’alcool, la drogue et le sexe s’exhibent dans une réunification festive des peuples européens. Filmé et projeté en direct, le plateau offre des images d’une construction esthétique bluffante. Les comédiens jouent dans plusieurs langues et révèlent enfin une interprétation dans l’ensemble remarquable. L’esthétique de mise en scène est séduisante et parfaitement maîtrisée bien que déjà vue. On a du mal à retrouver l’univers scénique des Particules Élémentaires ou de 2666, avec un plateau qui ressemble davantage au langage scénique de Cyril Teste.

La création de Julien Gosselin mérite tout de même une attention pour la justesse et la pertinence de sa réflexion. Elle s’empare d’un mythe contemporain dont l’essence trouble à défaut de sa forme.

 

Informations pratiques

Auteur(s)
Aurélien Bellanger

Mise en scène
Julien Gosselin

Avec
Quentin Barbosa, Genséric Coléno-Demeulenaere, Camille Dagen, Marianne Deshayes, Pauline Haudepin, Roberto Jean, Dea Liane, Zacharie Lorent, Mathilde-Edith Mennetrier, Hélène Morelli, Thibault Pasquier, David Scattolin

Dates
Du 9 au 20 janvier 2018

Durée
1h45

Adresse
Théâtre de Gennevilliers
41 avenue des Grésillons
92230 Gennevilliers

Informations et dates de tournée
https://www.theatre2gennevilliers.com