« 7 Pleasures » de Mette Ingvartsen, au Centre Pompidou

Article de Marianne Guernet-Mouton

Jouir sans entrave, jamais un yucca en pot n’eut si chaud

Habituée du Festival d’Automne et très attendue au Centre Pompidou, Mette Ingvartsen revient cette année sur la scène parisienne avec 7 Pleasures, deuxième œuvre de son nouveau cycle intitulé The Red Pieces. 7 Pleasures se veut donc être la suite de 69 positions que le public avait pu découvrir l’an passé, mais cette fois la danoise va plus loin dans son interrogation du désir et de la nudité en convoquant douze danseurs, prêts à explorer sept plaisirs et performer avec force.

7_pleasures_marc_coudrais© Marc Coudrais

Un grand carré blanc contrastant avec un sol noir en guise de scène. Sur cette scène, un intérieur d’appartement épuré comptant trois chaises dispersées dans l’espace ainsi qu’une table, un fauteuil en cuir noir, un canapé, une table basse, un tapis noir et blanc, un rideau blanc, des cordes oranges s’échappant du plafond, et une plante verte, un yucca en pot. Tel est le décor qui fait face au spectateur prenant place dans le bruit puisqu’à ce décor s’adjoint une musique saccadée dont le son ne cesse de s’amplifier, faisant frôler l’inconfort à un public fraîchement installé. Après quelques minutes à peine, douze personnes émergent de ce public, se lèvent et se déshabillent.
Cette année encore et sans détour, Mette Ingvartsen confronte son public à la nudité. Dès l’entrée des danseurs sur scène, une frontière a déjà été abolie car la chorégraphie prend racine dans le public d’où la désinhibition commence. Le début est donc saisissant et les douze danseurs, une fois nus, se dirigent sur scène pour ne former plus qu’un seul organisme et un premier tableau du plaisir. Pour ces corps qui ne font plus qu’un et se déplacent avec une fluidité hypnotique, les meubles et objets de la vie quotidienne occupant le plateau deviennent source de plaisir et d’interrogations. Chacun à leur manière, les danseurs vont investir l’espace, se laisser couler sur le canapé, embrasser la table ou s’enrouler dans le tapis jusqu’à entrer dans un état de jouissance incontrôlé, notamment avec le yucca en pot. C’est ainsi que les tableaux s’enchaînent, que les plaisirs changent, évoluent, que les danseurs se rhabillent, se déshabillent, se serrent les uns aux autres, que leurs corps se touchent, s’essoufflent, que la musique cesse ou s’amplifie, qu’elle guide ces corps : c’est ainsi que le plaisir se vit.
En seulement une heure et demi de spectacle, Mette Ingvartsen et son groupe de danseurs parviennent à créer de vrais chocs visuels, comme lorsque tout se met à clignoter, la lumière d’abord, puis la musique qui se saccade, suivie des corps qui se mettent à trembler d’un plaisir sauvage et à performer sans retenue. Là où il y a du chaos, la chorégraphe apporte de la maîtrise et là où le plaisir semble maîtrisé, elle crée du chaos. Quoiqu’il en soit tout concoure à hypnotiser le public parfois rejoint par quelques danseurs s’évertuant à débarrasser la sexualité de toute question morale. Dé-diaboliser la sexualité en la pensant sur le modèle des sept péchés capitaux : paradoxe ou provocation ?
Une sexualité que les danseurs vivent entre eux, peu importe leur sexe, et qu’ils vivent avec leur environnement investi sans limites, comme avec ce yucca qui nous rappelle que les plantes aussi ont une sexualité et permet une connexion sexuelle avec l’environnement. Alors dans cet espace où le plaisir quel qu’il soit se mue en une danse frénétique, toute interaction sexuelle devient possible, même avec une table basse. Mette Ingvartsen propose donc un spectacle aux allures de performance aboutie bien que le questionnement lui, reste ouvert.
Si les corps athlétiques des danseurs finissent par s’essouffler, le spectacle lui, ne s’essouffle jamais.

 

7 Pleasures
Conception et chorégraphie Mette Ingvartsen
Lumière Minna Tiikkainen
Musique et son Peter Lenaerts, avec la musique de Will Guthrie (Breaking Bones et Snake Eyes)
Décors Mette Ingvartsen, Minna Tiikkainen
Dramaturgie Bojana Cvejic
Assistante chorégraphie Manon Santkin
Assistante lumière Nadja Räikkä
Régisseur son Adrien Gentizon
Manager Kerstin Schroth
Avec Sirah Foighel Brutmann, Johanna Chemnitz, Katja Dreyer, Elias Girod, Bruno Freire, Dolores Hulan, Ligia Lewis, Danny Neyman, Norbert Pape, Pontus Pettersson, Hagar Tenenbaum, Marie Ursin
Remplacement Ghyslaine Gau

Du 18 au 21 novembre 2015

Centre Pompidou, Grande salle
Place Georges-Pompidou
75004 Paris
www.centrepompidou.fr