« Alice et autres merveilles », texte de Fabrice Melquiot, mise en scène Emmanuel Demarcy-Mota au Théâtre de la Ville

Article d’Ondine Bérenger

« Tout le monde est fou, ici ! »

Tout le monde connaît la célèbre Alice Liddell et son aventure au pays des merveilles, que ce soit par la plume originale de Lewis Carroll ou, pour les plus jeunes, par les nombreuses adaptations qui en existent aujourd’hui, à l’heure où la jeune fille fête son cent-cinquantième anniversaire. Pour cette occasion, Fabrice Melquiot et Emmanuel Demarcy-Mota ont entrepris de mettre en scène une création jeune public moderne autour de ses aventures, premier épisode d’un futur triptyque.

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© Jean-Louis Fernandez

Le Théâtre de la Ville offre ici un cadre de mise en scène exceptionnel par les nombreux moyens techniques dont il dispose. Entre les lapins blanc courant dans les hauteurs de la salle, les jeux de projections divers, la scène changée en fond de puits, où les comédiens jouent les pieds dans l’eau, ou bien volant dans les airs, la pièce est, assurément, très spectaculaire. Son esthétique très travaillée (les superbes masques des personnages ne sont pas en reste) fascine le spectateur, du plus jeune au plus âgé, et met bien en valeur la dimension absurde, merveilleuse, fantastique, du récit. Pari difficile que celui de représenter cet univers imaginaire, mais d’un point de vue technique, la réalisation est presque irréprochable.

Pourtant, au fil des aventures d’Alice, quelque chose semble manquer. Dans ce nonsense Carrollien porté à la scène, on recherche un fil conducteur, qui met hélas un certain temps à se révéler. Longtemps, les scènes se succèdent sans que l’on puisse déterminer où nous emmène cette interprétation, quel est son but, son intérêt. Il faudra attendre l’arrivée du Chat du Cheshire (Gérald Maillet) et sa très savoureuse prestation musicale pour relancer l’histoire dans une direction plus nette. Car, au-delà de ses qualités techniques, le spectacle possède également plusieurs interventions musicales très à propos, bien pensées et agréables, qui permettent de capter efficacement l’attention du public – et en particulier des plus jeunes spectateurs.

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© Jean-Louis Fernandez

Autre point étonnant dans cette création : l’introduction dans le récit d’autres personnages célèbres. Alice croise ainsi la route du Petit Chaperon rouge, de Barbie, ou encore de Pinocchio. L’idée est intéressante, et les scènes concernées sont plutôt amusantes, mais malheureusement souvent un peu vulgaires, et, quoiqu’il en soit, trop anecdotiques pour réellement apporter quelque chose à l’histoire. Peut-être leur intérêt se révélera-t-il dans les prochains épisodes ?

Cependant, la prestation en elle-même est très bien soutenue par une Alice (Suzanne Aubert) dynamique et séduisante, dont la présence puissante parvient à accrocher l’attention du spectateur tout au long de la représentation. De même, les apparitions du mystérieux Lapin Blanc (Philippe Demarle) rythment le récit à travers les découvertes surprenantes de personnages hauts en couleurs, jusqu’à une scène finale extrêmement bien réalisée, qui montre la totalité du potentiel d’une telle entreprise.

Que dire, finalement, de cette expérience, si ce n’est qu’elle est déstabilisante : tous les éléments sont réunis pour faire de la pièce une grande réussite et pourtant, on y trouve comme une sensation de lacune imprécise, juste une étincelle qui peine à s’allumer.

Alice et autres merveilles
création de la troupe du théâtre de la Ville
Mise en scène Fabrice Melquiot et Emmanuel Demarcy-Mota
avec Suzanne Aubert, Jauris Casanova, Valérie Dashwood, Philippe Demarle, Sandra Faure, Sarah Karbasnikoff, Olivier le Borgne, Gérald Maillet, Walter N’Guyen

du 28 décembre au 9 janvier

Théâtre de la Ville
2 place du Châtelet
75004 Paris
www.theatredelaville-paris.com