« AMOK »  La passion fiévreuse d’Alexis Moncorgé 

Dans la pénombre d’un navire voyageant entre la Malaisie et l’Europe, par une nuit de mars 1912, un homme écrasé par son secret se confie pour la première et la dernière fois. Son histoire est celle d’une passion dévorante et cruelle pour une femme inconnue venue lui demander ses services de médecin ; récit haletant, effréné, d’un amour torturé par l’orgueil et le mépris jusqu’à la folie dangereuse que les malais nomment « amok ».

Molière de la révélation masculine 2016, Alexis Moncorgé nous livre un seul en scène saisissant dans lequel il nous rend à la fois témoins, confidents et juges. Le jeune médecin qu’il incarne nous entraîne dans une sorte de rêve éveillé, ou de délire hallucinatoire, qui lui fait revivre toutes les étapes de sa descente aux enfers, dans un style fantasmagorique où l’on ne peut distinguer le vécu de l’affabulation. Avec un jeu dès le départ assez expansif, le comédien ancre son personnage dans une fiction aux genres multiples qui nous happe de plus en plus, de plus en plus vite, à mesure que le récit avance, jusqu’à nous engloutir. La montée en puissance est sans faille , l’adaptation du texte brillante par sa richesse d’images et sa fidélité envers l’oeuvre originale.

Ainsi, « Elle », cette femme mystérieuse et fière, n’est jamais là, pourtant sa présence hante le plateau avec une force incandescente – aussi vive, sans doute, que ne l’est son souvenir dans l’esprit du jeune médecin. Alexis Moncorgé sait l’art d’agiter les fantômes, il suffit de voir la lumière dans ses yeux pour en être convaincu : « elle » y passe sans cesse. Et quand il nous regarde et nous prend à parti, c’est elle encore qu’il voit, semble-t-il, dans le lointain.

amok
amok-3

La scénographie, d’abord très sobre, avec seulement quelques caisses de bois disposées çà et là et un grand voile noir traversant le plateau, se révèle progressivement une boîte à outils métaphoriques humblement au service du texte et de son interprète. Quelques éclairages très habilement créés, doublés de quelques notes de musiques et bruitages distants, suffisent pour nous transporter d’une atmosphère à l’autre, dans le fantasme de cette Malaisie partagée entre soirées mondaines, quartiers glauques et villages perdus de campagne. C’est un plaisir de voir un tel dispositif scénique sans surenchère, qui suggère sans imposer, faisant pleinement confiance – et ce n’est que justice – au pouvoir évocateur du comédien et à l’imagination du public.

On reste frappé d’admiration face à une performance aussi irréprochablement incarnée et maîtrisée. Pour ceux qui douteraient encore : c’est un spectacle à ne surtout pas manquer.

Informations pratiques

Auteur(s)
D’après Stefan Sweig
Adaptation Alexis Moncorgé

Mise en scène
Caroline Darnay

Avec
Alexis Moncorgé

Dates
Du 11 octobre au 3 décembre 2017

Durée
1h25

Adresse
Lucernaire
53 rue Notre-Dame des Champs
75006 Paris


Informations et dates de tournée 

www.lucernaire.fr