« Un amour impossible » d’après le roman de Christine Angot adapté par l’auteur, mise en scène Célie Pauthe

Un article de Marianne Guernet-Mouton

 

Sur les planches : Célie Pauthe meuble « un amour impossible » 

 

Aux Ateliers Berthier, Célie Pauthe met en scène avec élégance « Un amour impossible » de Christine Angot, spécialement adapté par l’auteure pour le théâtre. Créé à Besançon en décembre dernier, le spectacle est porté par deux actrices taillées pour les rôles, Maria de Medeiros et Bulle Ogier.

L’amour impossible, c’est d’abord celui de Christine Angot et de son père qui l’a violée quand elle était jeune alors qu’elle allait chez lui. C’est aussi celui de sa mère envers ce père qui n’a pas voulue l’épouser en raison de sa classe sociale inférieure à la sienne. Angot a comme découpé son roman de sorte que tout se recompose sous nos yeux de son enfance tourmentée – marquée par le drame – à ses premiers pas d’auteure lorsque sa mère lit enfin sa douleur, jusqu’à cette dernière longue scène de confession à la terrasse d’un hôtel.

© Elisabeth Carecchio

Célie Pauthe a pensé un espace de jeu très esthétique – peut-être trop – malgré la noirceur du propos. Mis à part la première scène où la mère et la fille se rencontrent sur un plateau vide plongé dans le noir, alors que le père vient de mourir et que la question de la tristesse se pose, plus les scènes et le temps avancent, plus l’espace se meuble. On passe de la ZUP de Châteauroux à un HLM à Reims grâce à des changements d’agencement rapides de meubles toujours plus sobrement élégants, là où l’on s’attendrait plutôt à un décor marqueur de pauvreté, ou du reste, de cette classe sociale dont il est question. En effet, quelques éléments détonnent en permanence, certes le traitement de la question du viol et de la violence sociale ne nécessitent pas forcément que tout soit écorché, du décor aux sentiments, mais tout est si maîtrisé et retenu autour d’un sujet si grave dont les explications finissent par sembler interminables, qu’on a l’impression d’assister à une psychanalyse entre la mère et la fille à laquelle le public participe d’un peu trop loin.

On reste marqués par Maria de Medeiros, qui joue une enfant abimée par son père aussi bien qu’une femme qui cherche à s’affirmer et à comprendre les sentiments de honte d’une mère admirablement portée par Bulle Ogier. Mais on ne peut s’empêcher, en dépit d’une mise en scène impeccable et séduisante où tout s’enchaîne avec calme et fluidité, de regretter un propos beaucoup trop autocentré de la part de Christine Angot. Quand on est plus habitués à voir sur les planches des textes de Virginie Despentes aux sujets tout aussi sombres et aux propos très acides à avaler pour le spectateur, Un amour impossible a plutôt l’air d’une belle pièce-montée dont la crème aurait mal tourné.

© Elisabeth Carecchio

N’en demeure pas moins que le sujet est grave et que plus que jamais le viol devrait être dit. Mais plus il est agrémenté d’explications – là encore très intellectuelles pour un milieu social dépeint comme misérable – plus il perd de sa force, de cette force qui devrait parler à notre cœur et à nos tripes plutôt qu’à un cerveau éprouvé par tant de mots pour un grand mal.


Un amour impossible 

D’après le roman de Christine Angot adapté par l’auteur 

Mise en scène Célie Pauthe 

Avec Maria de Medeiros et Bulle Ogier 

Du 25 février au 26 mars 2017 

Odéon Théâtre de l’Europe/Ateliers Berthier
1 Rue André Suares
75017 Paris

http://www.theatre-odeon.eu/fr/