« Annabella (Dommage que ce soit une putain)» mise en scène de Frédéric Jessua au Théâtre de la Tempête

Article de Jeanne de Bascher

L’amour sans répit

« Annabella » version 2016, ça donne quoi ? Une libre interprétation de la pièce culte de John Ford, énergique et moderne à souhait. À ne pas manquer. Parme, 1626. Annabella et Giovanni ont des vrais problèmes dans la vie. Ils ne peuvent s’aimer librement car ils sont frères et sœur. Malgré la morale et l’interdiction formelle de l’Eglise, ils s’adonnent à leur amour interdit. À côté, Roméo et Juliette paraissent bien chanceux ! Scandale et inceste, voici le propos d’une des œuvres les plus controversées des lettres anglaises. Frédéric Jessua l’adapte dans une version résolument moderne, traduite dans une langue « brute et crue », pour révéler sa puissance et son énergie. Et ça marche ! Le spectacle est tout simplement irrésistible.

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© C.Chauvet

Loin des idées reçues, Frédéric Jessua choisit un décor rétro glam qui s’inspire du Swinging London des années 60. Costumes à paillettes et installations baroques créent un univers arty et déjanté, un brin kitch. Guitares, flûtes et ukulélé accompagnent les performances des acteurs, transformant la pièce en comédie musicale survoltée. Pourquoi un tel parti-pris ? Pour mieux souligner la fougue et la folie des personnages. C’est sans doute ce qu’aurait souhaité Antonin Artaud, qui qualifiait Annabella « d’amour sans répit, un exemple de liberté absolue dans la révolte ». Pour cela, Frédéric Jessua s’entoure de jeunes acteurs qui animent et font rire la salle. Déchaînés, ils crient, parlent, chantent et n’économisent pas leurs moyens. Une interprétation revigorante et talentueuse, pleine d’humour et d’inventivité. Il y a certes des imperfections mais c’est aussi ce qui en fait le charme.

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© C.Chauvet

Le rythme soutenu impose une cadence qui fait oublier les 2h00 de spectacle. Le rire est partout la critique sociale aussi. La pièce arrive à amuser autant qu’à instruire, c’est rare et c’est tant mieux. On en oublierait presque qu’il s’agit avant tout d’une grande tragédie. Captivant.

 

 

Annabella (Dommage que ce soit une putain)

De John Ford

Mise en scène de Frédéric Jessua

Avec Tatiana Spivakova, Baptiste Chabauty, Thomas Matalou, Jean-Claude Bonnifait, Elsa Grzeszczak, Justine Bachelet, Harrison Arévalo, Vincent Thépaut

 

Du 18 mars au 17 avril 2016

 

Théâtre de la Tempête

Cartoucherie

Route du Champ de Manœuvre

75012 Paris

http://www.la-tempete.fr/