« En attendant Godot », texte de Samuel Beckett, mise en scène de Yann-Joël Collin, au Théâtre de Belleville

Un article de Thibault David

Et si on se pendait ?

Avec sa compagnie La Nuit surprise par le jour, Yann-Joël Collin poursuit son travail autour de la notion de création artistique en présentant sa relecture d’En attendant Godot. Ici, pas question de se pendre (personne ne se pendra et Godot n’arrivera jamais, évidemment), mais la probabilité n’est jamais bien loin, du moins quand Gogo et Didi arrêteront de tergiverser.

 

© Mathilde Delahaye

Samuel Beckett ne se présente plus, encore moins sa pièce la plus célèbre. En attendant Godot, ode absurde à la vanité de l’existence, peut se résumer facilement : Vladimir et Estragon attendent Godot. Godot ne vient pas. Alors faut bien tuer le temps. Quand Godot sera là, ça ira mieux.
La salle se remplit. Le régisseur amène un arbre (seul et unique décor de la pièce) au centre de la scène, et annonce le titre de la pièce. Il s’installe. Silence. L’éclairage ne se modifie pas. Estragon est dans le public, et avec le public, il attend aussi.
Proposition géniale : en brisant d’entrée de jeu le quatrième mur, en gardant un éclairage identique quasiment tout au long de la pièce, les comédiens nous placent immédiatement dans cette attente idiote, une zone étrange où l’on ne sait pas bien si la pièce a commencé, si les comédiens finiront par investir un moment la scène, ou si la pièce, tout simplement, n’en est pas une et ne l’a jamais été.
Vladimir et Estragon finissent quand même par se montrer. Complicité épatante et sens du rythme acéré, Yan-Joël Collin et Cyril Bothorel brûlent les planches. Leur duo fonctionne au quart de tour, Gogo et Didi se prenant le chou sans discontinuer dans des joutes verbales de haut vol (ou presque).
La distribution est de qualité, même si le rythme ralentit lors des scènes à quatre acteurs. Rien de bien méchant, mais le Vladimir et Estragon sont tellement jouissifs à voir qu’on les préfère quand ils sont seulement tout les deux.
Avec cette relecture simple (jamais simpliste), le plaisir du jeu, de la création pure est exacerbée au plus au point. Godot, on l’attendrait bien encore un peu avec eux.
Pour voir.
S’il ne vient pas, au pire, on aura bien passé le temps.


En attendant Godot

Texte Samuel Beckett

Mise en scène Yann-Joël Collin

Un spectacle de la Compagnie La Nuit surprise par le jour

 

Avec Cyril Bothorel, Yann-Joel Collin, Pascal Collin, Christian Esnay et Elie Collin

 

Collaborateur artistique Thierry Grapotte

Régie lumière Matthieu Lecompte

Administration et production Clémentine Marin

Responsable administratif Yvon Parnet 

 

Du 5 mars au 1er mai

 

Durée : 2H

 

Théâtre de Belleville
94 rue du Faubourg du Temple
75011 Paris

http://www.theatredebelleville.com