« Children of Nowhere», mise en scène de Fabrice Murgia, Théâtre Jean Vilar

Article de Sébastien Scherr

Chili et résilience

Chacabuco. Ville minière au cœur du désert d’Atacama. La population exploite la mine. La mine exploite la population. Du salpêtre sort de la terre, craché jusqu’au tarissement. Dans cette terre de sécheresse, où le monde ouvrier fût déjà usé jusqu’à la moelle, et réprimé dans le sang pour ses revendications sociales, va se dérouler un drame bien plus puissant encore : l’installation d’un camp de prisonniers politiques, lieu de torture et de souffrance absolue.

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Du sable est étalé sur tout le plateau. Une femme, une vieille femme, est assise sur un fauteuil au milieu de ce désert reconstitué, et va nous narrer l’histoire improbable des rescapés du camp de Chacabuco : les « Children of Nowhere », enfants de nulle part. Déshumanisés, déracinés, humiliés, vidés de leur âme et de leur vitalité première, ces hommes et ces femmes ont perdu ici leurs repères, leurs valeurs, leur sens commun. Ils en ressortiront fantômes à jamais.

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Fabrice Murgia a réuni ici plusieurs disciplines pour évoquer ce drame absolu : le cinéma, le théâtre et la musique. La poésie et la beauté du texte et des images fait ressortir avec d’autant plus de force ce récit de violence et de douleur. La résilience du peuple chilien est mise en exergue par cette performance de pure émotion. Le souffle coupé, la gorge sèche, la comédienne énumère les drames et les meurtrissures dans une sobriété avare d’artifice. Les témoignages filmés des victimes, dans un style documentaire, viennent ponctuer le récit. Le chant doux et venu de par delà les âges de la chanteuse, bercé par les violoncelles, transperce le cœur sidéré des spectateurs d’où ne coule nulle larme. La dignité de ces hommes et de ces femmes ayant vécu l’indicible, l’inextinguible angoisse force le respect. Leur recherche du bonheur malgré tout est une leçon universelle.

 

 

Children of Nowhere
Texte et Mise en scène Fabrice Murgia
Composition musicale et installation sonore Dominique Pauwels
Interprétation Viviane de Muynck
Chanteuse Lore Binon
Quatuor de violoncelles Aton’ et Armide collective
Assistant à la mise en scène et traduction Rocio Troc
Réalisation des images Jean-François Ravagnan
Création vidéo Giacinto Caponio et Jean-François Ravagnan
Création Lumière Enrico Bagnoli
Création costumes Marie-Hélène Balau
Arrangements électroniques Maarten Craynent

Les 12 et 13 février 2016

Théâtre Jean Vilar
1, place Jean Vilar
94400 Vitry sur Seine
www.theatrejeanvilar.com