"CROWD" Sous cette terre de rave, les racines de la violence

Gisèle Vienne poursuit son exploration de la violence et des rapports de notre société aux fantasmes avec Crowd, une partition chorégraphique et théâtrale composée avec le sulfureux Denis Cooper. Le duo d’artiste nous plongent dans les entrailles d’une rave party entre les années 90 et aujourd’hui, dans l’intemporalité envoûtante de la fête. Cette création dévoile dans une dissection temporelle bluffante la naissance de la violence dans les groupes sociaux. Aux rythmes vibrants de la musique techno, les danseurs nous hypnotisent et nous emportent dans leur bacchanale contemporaine.

La terre meuble d’un champs isolé, le sol d’un festival boueux, le théâtre est imprégné d’une odeur nauséabonde de fin de soirée. Le plateau recouvert de terre et de déchets ne dément pas cette première impression olfactive. Le groupe de quinze de danseurs foulent cette terre prête à être battue par la frénésie des mouvements si Gisèle Vienne ne venait pas nous surprendre en prenant nos visions fantasmatiques à rebrousse-poil. Les mouvements sont lents, saccadés, créant une distorsion temporelle surprenante sur cette musique aux rythmes survoltés des classiques de la musique électronique ( Jeff Mills, Underground Resistance, Manuel Göttsching).   L’auteur Denis Cooper a écrit quinze histoires pour quinze personnages dont le texte ne sera pas diffusé, ne restant que la théâtralité exacerbée de ces corps et des relations intenses naissant de la destruction du mouvement. Les histoires particulière naissent à l’intérieur du groupe, le regard est attiré par elles avec subtilité grâce à un jeu de contre-rythme particulièrement bien agencé et maîtrisé. Dans cette terre de fête, Gisèle Vienne met en lumière les racines de la violence. Elle ne révèle pas la violence dans sa forme brutale et complète, mais la naissance d’actes violents qui se désagrègent dans la groupe avant que ceux-ci ne prennent véritablement forme. Un choix qui semble décevoir au premier abord, mais qui se révèle bien plus intense.

Quelle surprise de se laisser ralentir par le rythme des danseurs, se laisser happer par la mécanique de la fête, à la fois isolé et rassemblé par le groupe. L’esthétique du mouvement est aussi forte que l’est celle de la mise en scène et de la création lumière. Gisèle Vienne offre une scène remarquable où la fumée sortant des interprète se déplace plus rapidement qu’eux et les emporte hors du plateau.   Pas assez d’érotisme, de violence, de cruauté, Crowd peut décevoir au regard des autres créations de Gisèle Vienne. La metteure en scène réussit pourtant le pari d’un axe moins attendu et bien plus vif.

Informations pratiques

Dramaturgie
Gisèle Vienne, Denis Cooper

Conception, chorégraphie et scénographie
Gisèle Vienne

Avec
Philip Berlin, Marine Chesnais, Kerstin DaleyBaradel, Sylvain Decloitre, Sophie Demeyer, Vincent Dupuy, Massimo Fusco, Rémi Hollant, Oskar Landström, Théo Livesey, Louise Perming, Katia Petrowick, Jonathan Schatz, Henrietta Wallterg et Tyra Wigg