« Dom Juan », de Molière, mise en scène Jean-François Sivadier au Théâtre de l’Odéon

Article d’Ondine Bérenger

Le Festin de pierre : un cirque cosmique

C’est avec une scénographie impressionnante, à la fois moderne et féérique, qui frappe immédiatement l’œil, que Jean-François Sivadier choisit de représenter le chef-d’œuvre mystérieux de Molière.

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© Jean-Louis Fernandez

À mi-chemin entre une piste de cirque inspirée du théâtre de tréteaux, une immensité cosmique condensée en planétarium et une omniprésente performance technique, ce visuel volontairement surchargé aux multiples détails inextricables rappelle bien que Dom Juan était, lors de sa création, une « pièce à machines ». À voir les silhouettes drapées comme des fantômes factices en fond de scène, les mannequins posés çà et là, et tous les éléments de décor qui vont et viennent sans cesse, on croirait se trouver face à un immense terrain de jeu à l’artifice revendiqué. Les numéros s’y succèdent de manière quasi-indépendante, changeant la pièce de Molière en show spectaculaire composé de saynètes variées ; parti pris affirmé, mais auquel l’on n’adhère pas : le manque de liant fait désordre, presque brouillon ou labyrinthe sans issue. De même, parmi les moyens technologiques utilisés, s’ils peuvent être parfois intéressants, on confessera néanmoins être resté dubitatifs face au compteur à mot « Ciel »…

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© Jean-Louis Fernandez

Tout au long de la représentation, nous sommes accompagnées par un Dom Juan (Nicolas Bouchaud) que l’on pourrait qualifier de sympathique, voire amusant, véritable star aimant à jouer avec son public pour capter l’attention et révéler les artifices. Malheureusement, on ne retrouvera pas là toute la riche substance du personnage complexe et mystérieux aux multiples facettes, à la fois séducteur et terrifiant, de Molière. A trop vouloir ouvrir le spectacle pour permettre à l’auditoire d’explorer l’intégralité des pistes du texte, il semble que l’effet inverse se produise, et malgré l’immensité des moyens déployés, l’on se retrouve frustré face à une linéarité d’autant plus regrettable qu’on la sait non consentie. À cette vaste entreprise de mise en scène s’ajoutent, de plus, quelques scènes supplémentaires dont la plupart semblent dispensables, mais l’on salue avec joie l’insertion très bien pensée d’un fragment de Sade, ce marquis que Dom Juan, déshonorant sa naissance, ne peut égaler…

Au milieu de tous les personnages hauts en couleur (parfois, là encore, à l’excès) de la pièce, on relèvera également la très belle performance de Vincent Guédon dans le rôle de Sganarelle, certainement le personnage le plus réussi de cette mise en scène, drôle, attachant, et plein de fraîcheur.

Finalement, de cette représentation, l’on garde un sentiment mitigé entre la satisfaction de l’attention portée à la masse spectaculaire qui nous arrive et la frustration d’un certain surfaçage désordonné qui aurait pu, certainement, être évitée.

 

Dom Juan

de Molière

mise en scène Jean-François Sivadier

avec Marc Arnaud, Nicolas Bouchaud, Stephen Butel, Vincent Guédon, Marie Vialle

collaboration artistique Nicolas Bouchaud et Véronique Timsit

Scénographie Daniel Janneteau, Jean-François Sivadier et Christian Tirole

Lumière Philippe Bertholomé

Costumes Virginie Gervaise

Maquillages, perruques Cécile Kretschmar

Son Eve-Anne Joalland

 

du 14 septembre au 4 novembre 2016

 

Odéon – Théâtre de l’Europe

Place de l’Odéon

75006 Paris

www.theatre-odeon.eu/fr