« En attendant Godot », de Samuel Beckett, mise en scène Yann-Joël Collin au Théâtre de la Cité Internationale

Article d’Ondine Bérenger

Godot est-il dans l’assistance ?

Soixante-trois ans après la publication de la célèbre pièce de Beckett, Vladimir et Estragon attendent toujours Godot, cette fois-ci sur l’immense scène du Théâtre de la Cité Internationale, où il n’y a, pour les accueillir, qu’un petit arbre en pot.

godot_mathilde-delahaye© Mathilde Delahaye

On retrouve ici avec joie les deux protagonistes, interprétés par Cyril Bothorel et Yann-Joël Collin, qui rencontreront – comme toujours – les surprenants Pozzo (Christian Esnay) et Lucky (Pascal Collin). Mais l’originalité de la mise en scène réside ici dans le fait que les quatre personnages ne sont pas seuls : ils sont en compagnie du public. En effet, il semble que celui ci n’assiste pas à la représentation de « En attendant Godot », mais attend, lui aussi, ce fameux absent ; en témoigne l’éclairage qui, systématiquement, de nuit comme de jour, est pareil sur scène que dans la salle. Pas de rupture ici ; pas de quatrième mur entre la fiction et la réalité. L’idée est astucieuse, car elle permet l’adhésion complète du spectateur pendant les deux heures de la pièce, et offre un nouvel éclairage, plus direct, plus intuitif sur la pièce, dont le public devient également acteur d’une certaine manière. Mais hélas, si l’exercice est globalement bien maîtrisé, il arrive que cette orientation totale vers l’assistance nuise à la communication entre les personnages, qui semblent parfois ne plus du tout se parler entre eux. Dommage, car cela rompt cette sensation de cohérence et d’appartenance à la pièce.

godot_mathilde-delahaye_1© Mathilde Delahaye

Yann-Joël Collin et Cyril Bothorel sont très sympathiques et attachants en Vladimir et Estragon, et créent un véritable contact avec l’assistance. Seul nuira peut être à leurs personnages le trop bon état de leurs vêtements, qui ne coïncide pas avec l’image que renvoie les deux compères. Christian Esnay, lui, incarne un Pozzo extrêmement convaincant et savoureux, captivant, qui ne manque pas de faire rire le public à chaque réplique. A ses côtés, Pascal Collin joue un Lucky très discret (et lui aussi peut être un peu trop net), mais se fera merveilleusement remarquer lors de son unique tirade très impressionnante.
Enfin, Ellie Collin est un étonnant Garçon qui rompt les codes d’un « En attendant Godot » traditionnel. Personnage surgissant du milieu des rangs du public, là encore, la volonté de briser la frontière entre spectateurs et protagonistes est marquée. Adolescent désinvolte et, semble-t-il, amusé, la vision du personnage est surprenante mais pas inintéressante – dommage cependant que la diction du – court – texte manque parfois de clarté.
Ainsi, on assiste ici à une représentation nouvelle de la célèbre pièce. Malgré quelques légers défauts, elle est appréciable, et l’on ne regrettera pas ces deux heures à attendre un Godot qui – on le sait – n’arrivera jamais.

 

En attendant Godot
de Samuel Beckett
mise en scène Yann-Joël Collin
avec Yann-Joël Collin, Cyril Bothorel, Christian Esnay, Pascal Collin, Elie Collin
Collaborateur artistique Thierry Grapotte
du 7 au 22 décembre

Théâtre de la Cité Internationale
17 boulevard Jourdan
75014 Paris
http://www.theatredelacite.com/#/accueil