Entretien avec Pierre Notte : Rencontre avec le talentueux « clown » créateur du Théâtre du Rond-Point

C’est au Théâtre du Rond-Point sur les Champs-Elysées, où il est artiste associé depuis 10 ans, que Pierre Notte nous a reçu. Ce dernier a accepté de répondre à nos questions en revenant d’abord sur sa carrière d’artiste polyvalent dans le monde du théâtre, puis sur son travail du moment qui sera présenté au Festival de théâtre OFF 2019 d’Avignon du 5 au 28 juillet prochain.

Théâtreactu : Commençons par une question large, qui est Pierre Notte ?

Pierre Notte : (Après un instant) Je vais expliquer ce que je fais, quel est mon travail, plutôt que de dire qui je suis. Dans l’univers du théâtre, tout me passionne. Tout ! Donc, c’est naturellement que j’ai voulu en découvrir et en exploirer les différents endroits.

Théâtreactu : Et pourquoi vous êtes-vous tourné vers le théâtre et plus spécifiquement vers la mise en scène ?

Pierre Notte : Un peu par accident. Je me suis dirigé vers le théâtre grâce à l’écriture. Quand j’étais plus jeune, je souhaitais devenir comédien. Pour être honnête, j’ai vite réalisé que j’avais un jeu plutôt mauvais et surtout, on ne m’entendait pas. Ma voix était inaudible. J’étais aphone de nature ou par timidité, je ne sais pas. C’est sûrement à cause de tout cela qu’on ne m’a jamais embauché comme comédien. Aujourd’hui encore, je serais fou de joie si quelqu’un me proposait un projet en tant qu’interprète. Cela reflétait une forme d’absence de personnalité, et c’est d’autant plus difficile à vivre quand on veut devenir quelqu’un. Pour m’exprimer, je me suis donc tourné vers l’écriture et la musique, dans lesquelles j’ai trouvé un refuge. Composer au piano était une autre forme de « voix ». Par défaut, je me suis mis à porter des projets et à les mettre en scène, mais il est difficile d’en vivre. J’ai donc exercé divers métiers tels que journaliste pendant une dizaine d’années principalement pour L’événement du jeudi ou La Terrasse. Puis, je suis devenu secrétaire général de la Comédie Française. Cette institution est exigeante et ce métier était très administratif. J’ai beaucoup appris. Toutefois, j’ai pris conscience que cela m’éloignait de mes aspirations de « clown » créateur et qu’il me fallait opérer un choix. Aussi, ai-je préféré quitter la Comédie Française en 2009. Immédiatement après, Jean-Michel (Ribes, ndlr) m’a proposé de venir ici en tant qu’artiste associé et je ne regrette pas d’être entré au Théâtre du Rond-Point pour y faire le bouffon ! (Rires)

Théâtreactu : Quelle est votre formation initiale ?

Pierre Notte : (Méthodiquement, Pierre Notte rédige une liste : BEPC, BAC, UNIVERSITE, FORMATIONS, qu’il raye les uns après les autres) Je n’ai aucun diplôme, ni aucune formation initiale.

Théâtreactu : Mais alors, comment tout cela a t-il débuté ?

Pierre Notte : Grâce à l’écriture et à un homme. Compte tenu du fait que je ne parvenais pas à m’exprimer comme je le souhaitais à cause de ma voix, j’ai écrit. J’ai eu la chance d’être publié en 1992 par Maurice Nadeau, un éditeur et un homme à qui je rends hommage. Ensuite, une de mes pièces a été lue sur France Culture. C’est comme cela que tout a commencé.

Pierre Notte Rond-Point © Alec Petit

Pierre Notte artiste associé et rédacteur en chef Théâtre du Rond-Point © Alec Petit

Théâtreactu : Et aujourd’hui ?

Pierre Notte : Aujourd’hui, il y a la reprise de mon spectacle L’effort d’être spectateur que j’interprète au Festival d’Avignon.

Théâtreactu : Mais vous nous avez dit précédemment que votre jeu de comédien n’était pas bon ?

Pierre Notte : : C’est exact ! C’est pour cette raison que je ne joue pas. J’utilise un subterfuge. Ce spectacle n’est pas une pièce mais une conférence. Je suis conférencier. Je parle avec ma voix normale et j’y suis moi-même.

Théâtreactu : Pourquoi faire ce spectacle aujourd’hui ?

Pierre Notte : Parce que j’ai 50 ans. Parce que je souhaitais faire une sorte de bilan, de synthèse de tous ces métiers que j’avais pu exercer. Tout ce que cela m’avait appris, pour en arriver là. Et surtout, ne pas omettre le spectateur qui est toujours le point commun de tous les spectacles, de tous les projets que j’avais pu mener. Je souhaitais assumer cette synthèse.

Théâtreactu : Est-ce une forme autobiographique ?

Pierre Notte : Pas exactement autobiographique, mais clairement autocentrée, égocentrée dans laquelle j’expose ma pensée, mes expériences, mes connaissances acquises tout au long de ces années et mes bêtises !

Théâtreactu : Pourquoi avoir choisi le plateau et cette forme de « la conférence » ?

Pierre Notte : Pour expérimenter un nouvel endroit du théâtre avec lequel je ne suis pas familier. Je souhaitais passer de la théorie à l’exposition réelle en tant que performeur. J’ai moi-même été journaliste-critique et aujourd’hui, je prends conscience du mal que j’ai pu infliger aux professionnels à travers mes remarques et mes écrits. Je réalise combien les métiers du théâtre ne sont pas simples. Lorsqu’on est auteur, il est parfois difficile de collaborer avec le metteur en scène. Quand on est metteur en scène, il n’est pas aisé de travailler avec l’auteur ou avec l’équipe de comédiens. J’ai moi-même subi des retours difficiles en tant que metteur en scène ; soit de la part des équipes professionnelles, soit de la part des journalistes. Les critiques ne sont pas simples à accepter. Voilà pourquoi je monte sur le plateau. J’assume ce geste dans son intégralité. Je m’expose à mon tour, peut-être un peu, pour rendre la pareille.

Théâtreactu : Pourquoi vous exposer ainsi ?

Pierre Notte : Pour me régler mon compte ! Je vais jusqu’au bout de ce que je pense du Théâtre. Construire le geste le plus honnête par rapport à moi-même et à ma pensée. Et si ces réflexions intéressent quelqu’un, j’en serais ravi !

Théâtreactu : Justement, quel type de spectateurs attendez-vous pour ce spectacle-conférence L’effort d’être spectateur ?

Pierre Notte : Je n’attends qu’une seule sorte de spectateur : celui qui aura choisi de venir là. Celui qui souhaite s’interroger sur ce que signifie « être spectateur » dans le théâtre mais aussi dans la vie. S’interroger sur cette position au centre de tous les spectacles. Le spectateur est le point commun de tout spectacle ! Je m’interroge sur ce qu’il est en droit d’attendre, sur ce qui le choque. Pourquoi est-il choqué ? Ou pourquoi souhaite t-il être choqué en venant voir un spectacle ? Pourquoi s’ennuie t-il ?… Cela concerne tous les spectacteurs. Mon spectacle s’adresse donc à tout le monde, habitué aux spectacles de théâtre ou non. Personne n’est exclu.

portrait libre de droits pierre1

Théâtreactu Pierre Notte au Festival OFF d’Avignon, ce n’est pas seulement dans L’effort d’être spectateur, n’est-ce pas ?

Pierre Notte : Effectivement. Il y aura quatre spectacles pour lesquels je suis metteur en scène. Tout d’abord, avec la reprise de La magie lente de Denis Lachaud avec Benoît Giros à l’Artéphile, qui avait recueilli de bonnes critiques et un bon accueil de la part des spectateurs l’an passé. Sans tout dévoiler, c’est l’histoire de la lente prise de conscience d’un homme face à son orientation sexuelle refoulée de nombreuses années à cause d’un viol. Cette pièce est un texte magnifique sous la forme d’une longue analyse, une magie lente. Il y aura également la reprise de Moi aussi, je suis Barbara au Théâtre des Gémeaux qui sera un nouveau lieu de représentation à Avignon. Ce spectacle raconte l’histoire d’une famille dont chacun des membres souffre à un moment ou à un autre, d’une crise identitaire. Reflet de notre société et même de nos familles. Je mets également en scène Des papilles dans le ventre de l’autrice Kim Schwarck qui interprète une ode boulimique à la vie et à la nourriture, jolie en apparence mais qui masque une face plus obscure. Enfin, je présente Les couteaux dans le dos, une de mes pièces jouée au Théâtre des Déchargeurs à Paris au printemps dernier et qui sera reprise au Théâtre Petit Louvre du 5 au 28 juillet. (Cf. Critique Théâtreactu Les couteaux dans le dos, 14 février 2019)

Théâtreactu : Un été chargé donc ?

Pierre Notte : Oui, mais toujours avec plaisir et pour les spectateurs. Et pour ceux qui manqueraient ces spectacles cet été sur Avignon, la plupart seront en tournée sur Paris et en Province, dès cet automne.

Pierre Notte en chiffres :
1969 : Naissance à Amiens
1993 : Publication de son premier roman La chanson de Madame Rosenflet
2006 : Molière du Théâtre privé pour la pièce Moi aussi, je suis Catherine Deneuve, puis Prix de la fondation Diane et Lucien Barrière et Prix SACD du Nouveau talent
2006 – 2009 : Secrétaire général de la Comédie Française
Depuis 2009 : Artiste associé au Théâtre du Rond-Point des Champs-Elysées et fait Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres
2017 : Prix Figaro Beaumarchais de l’auteur

Informations pratiques

L’EFFORT D’ÊTRE SPECTATEUR

Auteur
Pierre Notte
Texte publié aux Éditions Les Solitaires Intempestifs

Conception et interprétation
Pierre Notte

Regards extérieurs
Flore Lefebvre des Noëttes


Durée
1h10

Dates
Du vendredi 5 au samedi 27 juillet 2019
(relâches les dimanches 7, 14 et 21 juillet)

Adresse
Artéphile
5 bis, rue Bourg Neuf
84000 Avignon

Informations complémentaires

Artéphile :
www.artephile.com

Éditions Solitaires Intempestifs :
www.solitairesintempestifs.com